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Abbas Mahamat Tolli : «La soutenabilité du Franc CFA s’est nettement améliorée»

Le Gouverneur de la Beac et président statutaire du Comité de politique monétaire lors de la conférence de presse le 14 juillet dernier à Douala.

Vous évoquez la persistance des risques et vous avez mis un point d’honneur à évoquer la stabilité interne de la monnaie. Est-ce à dire qu’il y a un problème concernant ladite stabilité en zone Cemac aujourd’hui?
Non! Nous n’avons pas de risque sur la soutenabilité du Francs CFA. Mais c’est en permanence que la Banque centrale se doit de veiller à maintenir notre soutenabilité extérieure et intérieure. La stabilité extérieure c’est le niveau des réserves de change. Qu’il soit exprimé en taux de couverture ou en mois, l’importation devient un service. C’est la preuve de la consolidation de nos réserves de change. Et par conséquent, il n’y a absolument aucune inquiétude. Au contraire, la situation s’est même nettement améliorée. La Banque centrale se doit de poursuivre ses objectifs pour une action sereine et durable.

Dans le communiqué publié à l’issue de la session ordinaire du CPM, il est en effet noté qu’il y a une nette amélioration du niveau des réserves de change. Mais entre-temps, il y a eu cet accord avec les pétroliers et les miniers. À votre niveau, ressentez-vous ses effets?
En ce qui concerne les sanctions de la règlementation des changes applicables au secteur extractif, nous avons commencé les discussions il y a un peu plus de deux ans. Nous avons retenu le principe que cela soit étendu et que les opérateurs du secteur extractif continuent de rapatrier les recettes d’exploitation. De telle sorte que les fonds de restauration des sites pétroliers qui sont détenus ailleurs soit sous forme de fonds ou de provision, soient rapatriés également dans la zone.

Sur ces questions, il y avait des préalables qui étaient de mettre en place des assurances qu’il fallait donner. En effet, une fois les réserves arrivées, elles ne feraient pas l’objet de saisies de la part des juridictions. Il y a une loi communautaire qui est basée sur la non-saisissabilité de ces comptes. Il y avait aussi l’ouverture des comptes Off-shore et On-shore pour faciliter la traçabilité de ces comptes, les identifier et autoriser que les opérations y soient effectuées. Nous avons ouvert 340 comptes et on a édicté toutes les instructions sur les spécificités des opérations minières et à ces secteurs. Il s’agit des domiciliations bancaires, des importations et des opérations quotidiennes en matière de transfert.

Beaucoup d’instruction ont été signées pour mettre en place le mécanisme opérationnel qui facilite l’exercice à ce niveau pour que les opérations soient exécutées avec sérénité. Le rapatriement, en ce qui concerne le seuil d’exportation, devrait en principe être acté maintenant que les portes sont ouvertes. Les acteurs du secteur ont jusqu’à la fin du mois de juillet, maintenant que les comptes sont ouverts. À partir du mois d’août, nous ferons le constat. Et cela dépend également du moment où les exportations ont eu lieu. À partir de ces moments-là, nous attendons parce que nous avons une obligation de reporting. Sur ce point, je pense qu’il y a des avancées. Sur les fonds de restauration des sites, ils ont à peu près trois mois pour assurer les conformités à la règlementation des changes. Nos équipes sont en discussion pour clarifier un certain nombre de choses.

Il y a cette actualité de la parité exacte entre l’euro et le dollar. Certains analystes prétendent qu’il y a une perspective de sous-évaluation à terme et certains s’étonnent aussi de la politique monétaire hésitante de la Banque centrale Européenne (BCE). Au regard des liens, notamment entre le Franc CFA, l’Afrique centrale et l’euro, peut-on avoir votre appréciation de l’attentisme de la BCE à l’heure actuelle et éventuellement des conséquences que cela peut conduire sur le zone CFA.

Lorsque vous avez une dette, pour les États, cela va renchérir un peu le service de la dette. Mais pour des exportateurs dans la zone Euro, c’est une bonne chose. Car ça va améliorer les termes de l’échange pour qu’il y ait compétitivité. Ce qui se traduit aussi avec l’emplacement de cette exportation.

Vos services ont récemment rencontré le secteur des assurances de la sous-région. Est-il possible de savoir au terme de cette concertation, si la discussion a déjà évolué. Parce qu’ils sollicitaient un réaménagement de la réglementation des changes qui leur posait un certain nombre de problèmes?
Il y a des discussions avec des équipes de L’industrie de l’assurance dans la sous-région sur un certain nombre de points de clarification qu’elles sollicitaient. Nos équipes se sont entendues sur les préoccupations qui avaient été soulevées. Il y a donc matière à clarifier un certain nombre de choses et à essayer de tenir compte des préoccupations qui avaient été exprimées. Nous sommes à pied d’œuvre. Nos équipes ont plutôt bien avancé. Je pense que c’est quelque chose que nous avons bien noté et sur lequel nous travaillons très rapidement. Ces problèmes seront résolus.

S’agissant de la situation que vivent les pays de la Cemac en ce qui concerne l’importation des hydrocarbures, à quel niveau se situe la responsabilité de la Beac en termes de disponibilité des devises?
Il n’y a pas de difficulté que nous observons. Au Cameroun, les importateurs des produits pétroliers sont passés de 200 à plus de 300 milliards cette année. Nous apportons toutes les facilités pour permettre que les produits reviennent aux nécessiteux. On a décidé que pour tout ce qui est transfert en dessous de 1 million d’euros, ce n’est même pas le gouverneur, ni les directeurs généraux qui signent, mais c’est au niveau de la direction nationale que les approbations sont données. Nous avons également mis en place le délai en termes de traitement de dossiers qui ne devrait pas excéder 48 heures lorsque l’opération est documentée. Soit en 48 heures au plus, on notifie le rejet motivé pour qu’on modifie l’opération.

Quand vous faites des opérations de transfert, au-delà du fait qu’on a notre propre dispositif qui nous oblige à connaître les clients et l’origine des fonds, nous avons à faire à des Banques correspondantes qui, après avoir exécuté ces opérations, s’assurent que l’opération est régulière et qu’elle reste conforme au cadre juridique. Nous avons souvent à faire à des juridictions où ces éléments sont pris avec beaucoup plus de complexité.

Au sujet de la cryptomonnaie, est-ce que le CPM a abordé la question et quels en sont les issues?
Ceux qui ont un ancrage sur le dollar n’ont pas pu tenir. On voit ça plutôt comme des actifs de placement risqués et spéculatifs qui n’ont pas de sous-jacent solides et qui restent basés sur la confiance des gens, telle celle placée en ces moyens et ces types d’actifs. Et donc, il y a la présence de risques qu’il peut y avoir. La tendance générale est que ça ne rassure pas parce que nous avons vu beaucoup de gens perdre de l’argent. Surtout que ceux qui gèrent ça ont déclaré faillite pour se mettre sous la protection juridique. Je conseille la prudence aux gens. Si vous avez vos Francs CFA dans un compte dans la Cemac, vous n’allez pas être soucieux parce que le coût du Francs CFA va baisser et que par conséquent vous allez perdre. Nous avons modernisé ces outils de transfert pour les rendre plus facile. Nous avons mis en place des paiements mobiles. Nous sommes également dans un processus de modernisation de la moyenne de système de commande.

Depuis quelques temps, il est difficile de trouver les petites coupures, que ce soit même dans les Banques. Ces derniers disent que même au niveau de la Beac, vous ne leur accordez pas des petites coupures. Et il n’y a que des grandes qui circulent. Qu’en est-il avec le projet de création de nouveaux billets?
On n’a jamais laissé nos caisses totalement taries. Il y a toujours les stocks de sécurité. Notre projet avance à grandes enjambées. D’ici la fin de l’année vous aurez de nouvelles surprises.

Lors des derniers travaux du Copil du Pref-Cemac à Douala, il était question dans les recommandations de maintenir la subvention des produits pétroliers. Mais aux dernières nouvelles, le FMI serait plutôt contre cette démarche. Quelles peuvent être les conséquences de cet antagonisme?
Je pense que c’est vraiment subventionné. Quand vous achetez le pétrole ici, l’État lui-même subventionne. Ceux sur quoi le FMI insiste le plus, c’est la soutenabilité durable du coût des finances aujourd’hui. Lorsque vous avez une meilleure maîtrise et un meilleur ciblage de la subvention, certaines subventions viennent à ceux qui en ont réellement besoin. Dans la zone Cemac aujourd’hui, on n’a pas une inflation très élevée. On parle de 9%. À la longue, je crois qu’il faudrait qu’on produise beaucoup pour des choses importantes comme les produits alimentaires. Les subventions arrivent surtout lorsqu’il y a une situation difficile. Le problème c’est aussi la situation des finances publiques elle-même. Une récession, l’accélération de l’activité économique qui sous-entend que vous avez moins de ressources budgétaires, et que vous êtes aussi en face de donnes incompressives.

Cela paraît difficile et c’est pourquoi nos partenaires ont décidé qu’à travers l’initiative de suspension des services de la dette, pendant deux ans, on ne payait pas les intérêts de notre dette. Et on a reçu également des appuis conséquents au plan budgétaire pour faire face aux effets du Covid-19 et surtout accroître les actions dans le domaine de la santé permettant de mettre en place le dispositif préventif pour contenir cette pandémie. Je ne pense pas qu’il y ait une mésentente entre les institutions. Les conseils de sécurité ont un meilleur ciblage. S’il faut faire des subventions et si c’est véritablement nécessaire. Mais il faut également chercher d’autres solutions pour rendre plus abordables les prix des biens et services en augmentant l’offre.

 

Propos rassemblés par
Diane Kenfack

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