Recrutements dans les entreprises et établissements publics: une vraie nébuleuse

Pas facile de savoir ce qu’il en est des mécanismes d’embauche dans certaines sociétés d’État

Feu à volonté ! Dr François-Marc Modzom n’a pas raté son employeur actuel, qui ne l’a jamais démenti. Lors de l’émission «Travelling» (édition du 30 août dernier) sur Vox Africa, le directeur central radio de la Cameroon radio television (CRTV) dit que «c’est une maison qui manque de discipline parfois; qui a peut-être parfois la faiblesse de faire du social dans les recrutements». C’est que, à tout bien considérer dans les mécanismes d’embauche au sein du média à capitaux publics, le journaliste estime que la transparence est une hypocrisie, «un pur fantasme comme dans toutes les sociétés d’État», tel que le fait observer un enseignant de l’Institut supérieur de management public (ISMP).

Alimentée par des fuites et des confidences, l’analyse de la situation révèle que les postes disponibles dans certaines catégories sont la chasse gardée de quelques directeurs. À la Société nationale des hydrocarbures (SNH), par exemple, plusieurs témoignages intérieurs signalent «chaque année, des recrutements sans adéquation des candidats avec la culture de l’entreprise ou le poste». À tort ou à raison, des voix placent même les embauches au sein de cette entreprise publique au cœur d’une compétition acharnée entre «directeurs en service dans la maison et d’autres dignitaires du pays qui y placent les leurs». En tentant d’offrir à la SNH la possibilité de démentir ces allégations, l’on se heurte à l’intransigeance des agents de sécurité en poste devant le siège de l’entreprise ce 17 juin 2022 à Yaoundé.

Contre ceux qui «placent les leurs», dame Minette Libom Li Likeng a dû batailler en juillet 2020 à l’ART (Agence de régulation des télécommunications). Au terme d’une session de recrutements dans cette autre société d’État, la ministre des Postes et Télécommunications avait constaté des irrégularités dans le processus. Après une incessante activité d’interrogations, de démonstrations et de contre-argumentaires, ledit processus avait été annulé. Ce 17 juin 2022, l’absence du directeur des ressources humaines de l’ART ne permet pas d’affirmer que les choses ont changé.

L’on se souvient également de la note de service n°005/DG/DRH/SGCR du 8 janvier 2021 portant désignation des intérimaires à la Société Cameroon Telecommunications (Camtel). Aux yeux de Mohamadou Saoudi, président du conseil d’administration de l’opérateur public des télécoms, le document présentait des irrégularités. «Au prétexte de désigner des intérimaires pour pallier le départ à la retraite de certains responsables, la note de service suscitée procédait tout simplement à la nomination des directeurs et sous-directeurs. Sinon, comment expliquer autrement la venue des personnalités non encore recrutées à Camtel pour assurer l’intérim de certains responsables ?», dénonçait alors (devant la presse) Alfred Essam, un cadre de la boîte. Rendus au cabinet du directeur général de Camtel, une fin de non-recevoir nous est brandie.

Et pourtant…
La transparence lors des recrutements et nominations est une valeur inscrite au fronton des entreprises et établissements publics. «Elle est d’ailleurs claironnée au moyen des appels à candidatures qui peuvent être publiés», déplore Narcisse Ngouewo, consultant dans une agence de recrutement basée à Yaoundé. À ce sujet, il remarque que «sur la toile, seules des annonces pour des emplois et postes validés par les conseils d’administration sont visibles, le reste relevant du bouche à oreille, et donc de l’opacité bonne pour toutes sortes d’abus». Des abus désormais traqués par Paul Biya lui-même, si l’on en croit ses «très hautes instructions» répercutées par Ferdinand Ngoh Ngoh (secrétaire général de la présidence de la République) à Séraphin Magloire Fouda (secrétaire général des services du Premier ministre) le 16 juin dernier. Lesdites «hautes instructions» replacent l’équilibre régional et transparence comme éléments centraux dans le processus de recrutements dans les sociétés d’État.

Jean René Meva’a Amougou

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