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Lutte contre le terrorisme: les États ne se font pas la courte échelle

Selon des experts, l’art du renseignement antiterroriste se précarise à cause d’une coordination mal ajustée entre les pays de la sous-région

Ce 2 juin 2022 à l’IRIC se tient une table ronde. Elle met en vedette quatre éminents universitaires: Saibou Issa (Université de Maroua, expert sur Boko Haram au Cameroun), Ahmat Yacoub Dabio (Centre d’étude pour le développement et la prévention de l’extrémisme violent de Ndjamena, expert sur Boko Haram au Tchad), Marc-Antoine Pérouse de Montclos (Institut pour le développement de Paris, expert sur Boko Haram au Nigeria), Seidik Abba (journaliste et chercheur, expert sur Boko Haram au Niger), et Scott MacEachern (Université Duke Kunshan, archéologue et expert sur la violence au l’histoire du bassin du lac Tchad). Tous sont d’accord que «l’Afrique centrale est endroit où les groupes terroristes peuvent obtenir des résultats importants avec un investissement minimal». Se voulant plus pointu, Ahmat Yacoub Dabio démontre que «Si le renseignement antiterroriste en Afrique centrale connaît de réels succès, ses capacités peuvent être encore optimisées. En renforçant ses moyens, en harmonisant ses méthodes, et en augmentant le nombre de ses acteurs».

Problème
Mais, il y a un écueil, déplore Scott MacEachern. «La mutualisation technique est encore très incomplète. Chaque pays développe ses propres réseaux sécurisés, pour protéger les informations et les opérations». Dans l’exposé de Marc-Antoine Pérouse de Montclos, le diagnostic finit par être bien connu: «les États d’Afrique centrale ont bien du mal à s’entendre». D’autres développements débités par Ahmat Yacoub Dabio montrent que «dans la sous-région, des pays cherchent des alliances dans les grandes organisations internationales, moins pour améliorer leur propre réseau de renseignements que fragiliser ceux des voisins».

Pour Marc-Antoine Pérouse de Montclos, une telle situation trahit une incompréhension de la réalité, mais surtout risque de distraire les services de renseignement de leur mission: «Recueillir de l’information sur les véritables menaces». Et pourtant, postule Saibou Issa, la définition des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’Afrique centrale et sur les intérêts stratégiques des États permet d’apporter quelques pistes de réflexion quant aux réformes des États et à la réorganisation des services étatiques nécessaires pour s’adapter aux nouveaux enjeux. De l’avis de l’universitaire camerounais, «la communauté du renseignement sous-régional doit donc elle aussi s’adapter au nouveau contexte, en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur elle». « C’est le principal enjeu face à un adversaire qui exploite systématiquement nos vulnérabilités et qui pratique le contre-pied. Cohérence et coordination en amont des services de renseignement pour détecter et neutraliser des suspects nombreux etmobiles; cohérence et coordination des mesures de protection intérieure et des actions de coercition à l’extérieur ; cohérence et coordination des forces d’intervention et de secours face à des attaques qui recherchent de plus en plus l’effet de saturation», propose Seidik Abba. Loin d’être exhaustif, ce propos impose des images de réseau structuré, aux ramifications étendues dans plusieurs pays à la fois.

Jean René Meva’a Amougou

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