Évacuations sanitaires à l’étranger : C’était une question de vice sans remords

Malades imaginaires et faux en écriture avaient longtemps fait saigner les caisses publiques.

«Tour de vis». Voilà, en trois mots, le regard que porte un médecin exerçant dans un hôpital public de Yaoundé. Il n’est pas le seul. «Le dispositif est quasi à l’arrêt», résume un fonctionnaire du ministère de la Santé publique (Minsanté). Vouloir bien comprendre de quoi il s’agit renvoie à Manaouada Malachie. Ce dernier indique qu’en février de cette année, 1 168 dossiers d’évacuations sanitaires ont été déposés dans ses services. Seuls 10 ont abouti favorablement. «C’est dire qu’aujourd’hui ou à l’avenir, au Minsanté, la diminution du nombre des évacuations sanitaires est ou sera portée par une gestion plus stricte des demandes parce que le niveau des soins actuellement demandé par la population est proche de celui des grandes destinations médicales, du moins en ce qui concerne les techniques de pointe, mais aussi les services hautement spécialisés», renseigne le Minsanté.
Vrai-faux malades
Dans le système d’idées que développe Manaouda Malachie, se profile l’évacuation des malades vers des structures hospitalières hors du Cameroun. «Ce n’est plus comme avant et c’est peut-être ce que les raisonneurs trop simplistes oublient de dire aux gens», confie un fonctionnaire de la Direction de l’organisation des soins et de la technologie sanitaire (DOSTS) au Minsanté. Dans le fond, l’on comprend: plus que par le passé, il y a désormais un resserrement dans le tri des dossiers de patients sollicitant une prise en charge médicale à l’étranger. Selon plusieurs sources, ce raffinement des opérations de sélection des patients a pris corps quand nombre de réseaux de fraudes associant des agents du Minsanté, ceux du ministère des Finances (Minfi) et des médecins ont été démantelés. Ces réseaux, apprend-on, «fabriquaient, falsifiaient ou embellissaient des dossiers… et se partageaient le magot alors que l’individu présenté comme malade était très bien portant».
Durant des années, ces pratiques ont fait saigner le Trésor public. En 2008, renseigne un inspecteur d’État, une soixantaine de cas ont délesté les caisses publiques de plus d’un demi-milliard FCFA. Se rappelant de quelques lignes du rapport «Politique d’accueil des patients non-résidents» publié en juillet 2015, le même inspecteur d’État souligne qu’en 2014, le gouvernement camerounais a fait interner 213 patients (dont 109 faux-malades) dans les hôpitaux français. «Sachant qu’une évacuation sanitaire par Europ Assistance par exemple coûte 20 à 40 millions FCFA au contribuable camerounais; ajouté à cette somme les frais de mission du malade, du médecin, ainsi que de l’accompagnateur, ambulance au départ et à l’arrivée, hospitalisation à Paris pendant plus d’une quinzaine de jours, examens et contrôles externes… Faites-vous-mêmes les totaux de l’argent perçu frauduleusement par les faux-malades», suggère-t-il.

Ongoung Zong Bella

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