Hypocrisie

Au palmarès des idées les plus en vogue actuellement au sein de l’Union européenne (UE), on trouve: la réinvention de sa relation avec l’Afrique.

C’est donc avec une telle idée que les Européens comptent lutter contre le sous-développement qui gangrène le continent noir. Depuis peu, l’UE n’a plus que cette douce chanson à la bouche. «L’Afrique est un enjeu déterminant pour l’Europe. C’est un continent très jeune; les moins de 25 ans constituent 60 % de sa population. Il affiche un potentiel économique très élevé (en 2020, il a placé 8 pays dans les 20 plus fortes croissances économiques du monde, selon le FMI). Il regorge de matières premières et de ressources naturelles, notamment des terres rares, cruciales pour les produits de haute technologie du futur».

Le dire (comme l’a encore fait à Bruxelles les 17 et 18 février dernier) est un coup de poignard pas très surprenant de la part de l’UE qui a essentiellement œuvré pour sa petite entreprise personnelle des années durant. Mieux, c’est une hypocrisie, mais une hypocrisie maligne, qui enferme. Elle ne permet pas la coexistence des contradictions mais promeut un discours hégémonique.

Et Moussa Faki Mahamat de situer le débat: «la raréfaction des financements en dépit de leur immense disponibilité potentielle renforce l’obsédante question de la reprise économique. Le fait que notre partenariat n’a pas été capable, jusqu’ici, de réussir, en plénitude, cette mobilisation possible en faveur d’un vrai plan de reconstruction et de modernisation, est franchement désolant. Le nœud ici n’est pas la disponibilité des financements mais encore et toujours le rassemblement des volontés politiques garantissant les meilleures affectations et surtout les systèmes d’une gouvernance mondiale juste et solidaire».

Au vrai, pense le président de la Commission de l’Union africaine, l’octroi massif de moyens, pourtant nécessaires, ne règle aucunement les angoisses africaines. Pire, les intentions louables de l’UE deviennent suspectes. À l’écouter, tout est maintien d’une stratégie qui privilégie les intérêts européens et programmation d’une mort lente de l’Afrique. Car son programme de financement du développement du continent africain, nait l’exclusion. Être le chantre du réformisme, de la clarté, du sérieux dans les choix comme dans la mise en œuvre des mesures promises aux Africains, cette démarche vise-t-elle seulement à remettre une pièce dans la machine? Ne l’espérons pas! Ceux qui en rêvent devraient y réfléchir à deux fois.

Le sujet est loin d’être anecdotique. L’UE a peur. Peur de la diplomatie agressive de la Chine et de la Russie, voire de la Turquie, en Afrique. Et pour faire la guerre à ces pays-là, bienvenue les Africains faire-valoir et bonjour l’intelligentsia européenne. Cette dernière, petite caste de donneurs de leçons déjà insupportable avant la crise économique, devenue indécente au fil du temps en distillant ses analyses de privilégiés hors-sol, elle s’illustre à présent par ses recettes carrément surréalistes. Voilà qu’elle nous abreuve de suggestions économiques, nous recommandant de relire ceci, de revoir cela, s’offusquant des dérives politiques des Africains et de leur addiction au pouvoir.

Jean-René Meva’a Amougou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *