«Nous sommes dans une dynamique qui permet au football africain de gagner en notoriété»

Aujourd’hui, on ne doit pas permettre d’organiser une CAN au rabais. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que le Cameroun a reporté son édition pour l’organiser en 2022. Il y a donc des exigences et on ne doit pas permettre aux pays qui veulent abriter les CAN de le faire au rabais. Cela n’honorera ni le football africain, ni le pays organisateur.

Le journaliste burkinabè livre dans cette deuxième et dernière série, son sentiment sur les exigences de la CAF en matière d’organisation de la compétition et donne son appréciation sur le parcours de ses favoris.

Salif Kaboré

Que vous évoque le nom Issa Hayatou, il vient d’être réhabilité par le Tribunal arbitral du Sport de Lausanne (TAS)?
Je dirais simplement le Monsieur du Football africain. Il a tout donné au continent.

Au vu des exigences du cahier des charges de la CAF, pensez-vous que beaucoup de pays en Afrique sont capables d’organiser une CAN, en l’occurrence la Côte d’Ivoire en 2023 et la Guinée en 2025?
Non, tous les pays ne sont pas en mesure de le faire. Parce que vous avez aujourd’hui des pays dont l’ambition ce n’est pas à vrai dire d’organiser une CAN. Et quand ces pays sont en plus en proie à l’insécurité, cela est difficile et je crois que ce sont des choix politiques qu’il faut opérer.

Et il y a aussi les infrastructures sportives qu’il faut construire. Aujourd’hui, on ne doit pas permettre d’organiser une CAN au rabais. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que le Cameroun a reporté son édition pour l’organiser en 2022. Il y a donc des exigences et on ne doit pas permettre aux pays qui veulent abriter les CAN de le faire au rabais. Cela n’honorera ni le football africain, ni le pays organisateur.

Ces exigences font du bien et je crois que la CAF doit poursuivre dans cette dynamique-là pour amener tous les pays africains qui souhaitent organiser une CAN, à se dire qu’il est d’abord question du développement du pays. Parce qu’après la CAN, les infrastructures vont rester. Cela participe du développement du pays et il y a beaucoup d’enjeux au tour. Donc, je dirais qu’il faut effectivement être regardant sur le cahier des charges.

Que vous inspire l’idée d’organiser la CAN ailleurs que sur le continent africain, au Qatar par exemple?
Je m’y oppose et je dis tout de suite non. On ne peut prendre la CAN pour aller l’organiser en Asie ou en Europe, ce n’est pas possible. Est-ce qu’aujourd’hui vous pensez que la Coupe de l’UEFA pourrait être organisée sur le sol africain? Je ne le pense pas. Si cela est possible, si c’est à toi à moi, alors je peux être d’accord.

Mais, qu’est-ce qui nous manque pour organiser notre CAN. Il y a toutes les potentialités pour organiser la CAN et cette compétition doit rester effectivement africaine, elle doit être organisée sur le continent africain. C’est là également la beauté de la Coupe d’Afrique des nations. Donc, je ne suis pas de ce point de vue favorable à la délocalisation de la CAN sur un autre continent. Ce ne serait pas une bonne chose.

Avez-vous compris la campagne menée, y compris au sommet de la FIFA, qui visait à déposséder le Cameroun de cette CAN?
Je pense qu’il allait être très difficile pour n’importe qui d’ailleurs de déposséder le Cameroun de la CAN. Il y a beaucoup d’investissements qui ont été faits et la CAN doit rester africaine. Ce n’est pas une compétition où des individus pour des raisons inavouées doivent imposer leur point de vue. Cela doit d’abord être une politique des Africains et les Africains sont fiers de s’approprier ce label CAN et il était difficile de déposséder le Cameroun de cette édition. D’ailleurs, les pays africains se sont montrés à un moment donné tous solidaires derrière le Cameroun pour l’organisation de cette compétition.

Et celle qui veut que la CAN se joue entre juin et juillet ou tous les quatre ans?
En ce qui concerne la période de jeu, cela peut s’expliquer. Parce qu’il y a des enjeux liés au fait que les joueurs africains évoluent dans des championnats sur d’autres continents, il y a des calendriers et il ne faut pas oublier qu’ils sont sous contrat. Ce sont des enjeux financiers. Vous avez également l’autre pan de la question qui consiste à se demander s’il faut organiser cette CAN tous les quatre ans. Et là aussi, je dis non. Il faut accepter que nous sommes dans une dynamique qui permet au football africain de gagner en notoriété.

Et de ce point de vue, il faut maintenir l’organisation tous les deux ans. Il s’en trouve même qui disent que l’on devrait l’organiser chaque année. Je pense que ce sera difficile. Mais tous les deux ans, ce serait une bonne chose. Et de devoir l’organiser tous les quatre ans participerait de mon point de vue à tuer le football africain et je ne pense que l’on ne pourra pas s’inscrire dans cette dynamique.

Venons-en maintenant aux performances des équipes et commençons par le Cameroun. Au moment où la CAN s’achève, êtes-vous impressionné par le parcours des Lions indomptables?
Le Cameroun est un pays de football. C’est vrai que face au Burkina au match d’ouverture, les Lions indomptables sont entrés timidement dans la compétition, mais en huitième et en quart de finale, ils ont montré un autre visage. Donc je dis que le parcours du Cameroun aujourd’hui est mérité et je pense d’ailleurs que c’est une équipe sur laquelle il faut toujours compter parce qu’il y a beaucoup d’individualités et il y a aussi le collectif. En plus, c’est une équipe qui joue très soudée avec son public. Le Cameroun avait donc en réalité toutes les cartes pour remporter cette Coupe d’Afrique des nations de football.

Toutefois comme vous le savez aussi, c’est un jeu, c’est du football. Il y a certes des prédispositions qui sont là, mais sur le terrain, vous pouvez constater que la donne a pu changer, mais restons fair-play. Ce qui est certain c’est que le Cameroun a beaucoup d’argument et je crois d’ailleurs que les Lions indomptables ont eu l’occasion de le démontrer à plusieurs reprises sur le terrain.

Le Burkina Faso a pour sa part battu un ancien champion d’Afrique et s’est hissé en demi-finale. Quel commentaire cela suscite-t-il?
Le Burkina Faso fait partie des quatre meilleures équipes de cette édition. Je crois que c’est un pays qui est arrivé à la CAN avec des ambitions, et celles-ci se sont bonifiées au fil des matchs. C’est ce qui a permis aux Étalons d’atteindre ce niveau de la compétition. Il est vraiment essentiel de saluer les performances de cette équipe inexpérimentée qui a pourtant réussi à titiller les grandes nations de football.

C’est une équipe en devenir et il faut continuer à suivre ces jeunes qui ont du talent et je pense vraiment que c’est le football africain qui gagne.

Le contexte socio-politique au Burkina est tel que l’on aurait pu penser le mental des joueurs affecté. Quelle a été la clé de leur succès?
La clé du succès des Étalons c’est l’envie des joueurs de se faire remarquer dans cette compétition. Pour la plupart du temps, ce sont des joueurs qui évoluent dans des championnats de bas niveau. Et donc, ils ont envie également envie de montrer à la face du monde qu’on peut leur faire confiance et c’est leur carrière. Et je pense que tout cela réuni a incité les joueurs à mouiller le maillot. Et le contexte au Burkina aidant, cela a permis aux Étalon de se surpasser. Je pense que l’un dans l’autre, les enjeux étaient multiples et ils ont su effectivement le démontrer et c’est vraiment salutaire.

Vos pronostics de départ se sont-ils vérifiés?
Pour ce qui est de mes favoris, je dirais oui et non. D’abord parce que je pariais sur le Cameroun, pays organisateur, et sur l’Égypte de Mohamed Salah. Mais j’avais également parié sur le Nigéria comme je l’ai fait pour le Sénégal. Donc je dirais que certains ont confirmé pendant toute la durée de la compétition. Tandis que d’autres ont été éliminés très tôt, à l’instar du Nigéria.

Propos recueillis par
Théodore Ayissi Ayissi

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