Marketing commercial : Des reines de beauté rivales pour l’eau

Les deux marques camerounaises ont décidé de miser gros sur leurs différentes campagnes de pub. Des femmes connues, belles, audacieuses et séduisantes sont mises à contribution. Elles jouent bien leurs rôles sur les affiches et les véhicules utilitaires présents dans la ville de Yaoundé.

Presqu’impossible de les rater à Yaoundé ou à Douala. Ces reines de beauté sur des affiches géantes dans les espaces publics des métropoles camerounaises. À Yaoundé, lieu-dit carrefour Warda, précisément sur l’axe Bastos, Briqueterie et École de police, les chauffeurs et passagers à bord de taxis ou de véhicules personnels ont développé un réflexe d’admiration et de curiosité. Ils sont pour la plupart subjugués par les affiches des marques d’eau minérale. Ils sont ainsi constitués en victimes consentantes de la guerre publicitaire sans merci que se livrent les deux marques Tangui et Supermont.

Le long de cet axe très fréquenté, Supermont s’expose. L’un de ses produits d’une capacité d’un litre et demi a pour égérie Aimée Caroline Nseke. La Miss Cameroun 2019 est souriante, avec un teint uniforme sublimé par sa robe blanche. «L’éclat de l’eau et le mannequin ne font qu’un», n’hésite pas à commenter un badaud.

Non loin de là, précisément à la voirie municipale, Coco Émilia, également dans une robe blanche, pose sur une branche d’arbre. Son regard est perçant. L’image est saisissante et ravit les passants. Certains confient être «séduits par sa beauté et le côté majestueux qu’elle donne à l’eau Tangui». L’influenceuse connue sous son petit nom de «biscuit de mer» ne prend pas la pose par hasard. Elle est ambassadrice de la marque Tangui. Cela fait d’ailleurs déjà l’objet d’une grande publicité sur sa page Facebook officielle.

Tels que rapportés, ces faits présentent une campagne publicitaire ingérée par les deux géants brassicoles SABC et Source du pays. À coup de campagnes de pub, ils mettent en vitrine leurs marques : Tangui et Supermont. Ces marques se servent à leur tour de l’image de femmes célèbres disposant d’une notoriété dans la société camerounaise. Et cela au nom d’une guerre marketing lancée presque simultanément. L’objectif étant de faire connaître leurs produits, de séduire les consommateurs et non-consommateurs et de provoquer l’acte d’achat.

Effet garanti
Au cœur de la guerre de tranchée que se livrent les deux géants, se trouvent la notoriété, la beauté et le sourire. Les curieux sont en tout cas séduits. «Miss Cameroun 2019 se présente sur des affiches différentes en prenant des poses flatteuses. On pourrait même penser que les embouteillages d’Olezoa sont faits exprès pour admirer la jeune dame poser», laisse entendre un chauffeur de taxi. Pour ce dernier, «l’éclairage est ici moins agressif et le regard perçant, telle la première de couverture d’un Arlequin», pense-t-il savoir.

Sur la façade opposée d’un panneau publicitaire, dans un autre coin de la capitale, Aimée Caroline Nseke arbore une chemise fleurie. Sa coiffure est au vent. Elle tient une bouteille d’un demi-litre de Supermont. Dans ce contexte, il est question pour la marque de la présenter comme un chef d’entreprise en pleine pause. Selon le décryptage de certains experts, il s’agit de différents statuts pour des représentations différentes. Sur le sujet, l’agence en charge de cette campagne indique simplement qu’elle «souhaitait présenter la femme sous toutes ses facettes dans la société».

L’effet est garanti. «Hum! Elle est naturelle et belle. Qui me donne une femme pareille, j’en ferai des merveilles. Mais qui est-ce?», s’exprime un chauffeur. Son voisin de droite lui répond: «tu as au moins vu l’eau à côté d’elle, ou bien tu veux la femme?». L’échange s’achève par un aveu qui en dit long sur l’effet des publicités sur leurs cibles. «Mon frère, dans ce monde on fait tout pour la femme. Même si je dois épargner chaque fin de mois pour boire cette eau, je vais le faire… pour elle».

Presvualie Ngo Nwaha (stagiaire)

Jean Paul Tchomdou
Je salue le dynamisme observé dans le marketing des eaux minérales au Cameroun
L’expert en communication et marketing, par ailleurs président de l’Association camerounaise des professionnels du marketing et de la publicité, apporte des éclairages sur la communication commerciale lancée par Supermont et Tangui.

Quelle lecture faites-vous des campagnes de publicité lancées pour les marques Supermont et Tangui?
Je salue d’abord le dynamisme qui est observé dans le marketing des eaux minérales au Cameroun, visible depuis un certain nombre d’années. On observe une bataille commerciale entre SABC et Source du pays avec leurs produits phares, Tangui et Supermont. Moi en tant que professionnel, je ne peux qu’être heureux, parce que le marketing est une notion importante pour l’économie. C’est une bataille que je salue.

Pour répondre, je voudrais dire que cela démontre que nous sommes sur un marché concurrentiel, rien n’est acquis et il faut garder avec les consommateurs une relation quasi-directe. Il faut donc être présent sur le marché pour que les consommateurs pensent à consommer votre produit ou pas. D’ailleurs, c’est une bataille que nous souhaitons pérenne et qu’elle inspire d’autres acteurs, quel que soit le secteur d’activité. Afin de faire du marketing un levier du développement. En tant que président de la CPPEM, je suis heureux.

Comment appréciez-vous l’image des femmes dans une campagne comme celle-ci?
Il faut se rappeler qu’il s’agit de l’eau minérale. En la femme, on voit une mère. Une femme lambda pourrait se priver de l’eau minérale, mais un bébé doit boire de cette eau, c’est une histoire de santé. À travers ces femmes, on veut s’adresser aux jeunes filles et aux mères qui ont besoin de l’eau minérale. Vous avez deux entreprises qui ont décidé de prendre des femmes qui sont connues. L’une est une spécialiste des réseaux sociaux ou influenceuse et l’autre a été Miss Cameroun.

Que représentent ces femmes?
Vous avez une qui (Coco Emilia) est un modèle à travers son parcours pour les jeunes filles. En effet, on a son parcours, sa vie et son vécu qu’elle partage sur les réseaux sociaux. Aimée Caroline Nseke est Miss Cameroun 2018. Elle porte aussi les valeurs de beauté, de jeunesse et de réussite.

Quelle est l’impact de ces campagnes sur les consommateurs?
Je ne saurais répondre. Les entreprises elles-mêmes savent ce qu’elles recherchent á travers ces affichages. Mais interrogeons-nous. Quelle est la campagne qui s’est fait le plus remarquer? De toutes les manières, il y a une campagne qui fait le plus parler d’elle que l’autre.

Coco Emilia, ambassadrice de Supermont. Quel est son impact sur la commercialisation du produit?
Tout d’abord, les gens se font des fantasmes sur sa personne, et jusqu’à ce jour, personne n’a présenté une preuve. On a vu une personne qui évolue et qui montre ses plaisirs de la vie. Certains lui ont attribué des titres, mais jamais soutenus. L’entreprise a fait ses analyses, échangé avec la jeune femme et a peut-être mené ses propres enquêtes avant de se lancer. Si elle apparaît sur ces affiches, je pense qu’ils ont misé sur sa notoriété, son statut matrimonial et sa vie professionnelle.
Le choix d’une star ou d’une célébrité a des avantages et des inconvénients. Pour ce cas, le risque relationnel pour la marque est très faible, parce que jusqu’ici, il n’existe aucune preuve que cette jeune femme présente les défauts qu’on veut lui accorder. Les gens et les jeunes l’ont plébiscité et je pense que plusieurs mois après son début, elle continue de porter cette campagne.

Aimée Caroline Nseke est Miss Cameroun 2019?
Je pense que le choix d’une Miss est basé sur sa notoriété. C’est quand-même Miss Cameroun, donc rien à faire. Elle a une image dans le pays qui est reconnue et qui a une certaine valeur. Il faut savoir qu’à chaque fois qu’une marque s’associe à une popularité, il doit y avoir adéquation au niveau des valeurs et des objectifs.

Lorsqu’une entreprise entreprend une campagne de publicité, qu’est-ce qui compte?
La publicité dans une communication n’est pas le seul élément. Dans le marketing, vous avez la publicité, la distribution et le prix. Lorsqu’une entreprise entreprend une communication commerciale, c’est probablement avec une volonté d’augmenter son chiffre d’affaires, soit son volume ou ses ventes. La publicité va agir de trois manières. La première manière est d’informer de l’avantage de ce produit. La deuxième est de le faire aimer/apprécier. Et le troisième registre est de pousser le client à l’achat.

Sur ce dernier point, tout dépend de la combinaison entre le prix, la distribution et la manière dont la marque se présente. Est-ce qu’elle entretient les relations avec ses clients ou les téléspectateurs? Est-ce qu’elle présente une valeur ajoutée? Aujourd’hui, il faut avoir une valeur ajoutée réelle compte tenu de la pléthore d’offres sur le marché si vous voulez atteindre vos objectifs.

Donc la publicité ne suffit pas. D’ailleurs, on dit que la meilleure façon de tuer un mauvais produit, c’est de lui faire une bonne publicité. Le produit reste au cœur de cette bataille, au cœur de ce processus de vente. Vous faites la publicité, mais si le produit est mauvais ou a une mauvaise image, il ne passe pas. Vous le faites, si le produit est trop cher et inaccessible, il ne passe pas.

La femme vend-elle mieux?
Tout dépend des cibles. La femme représente beaucoup. Comme on le dit aujourd’hui, l’émotion va plus vite que la pensée. Au regard d’une femme, on est plus attendri et attentif. Mais sur un certain produit, il vaut mieux prendre des hommes. Tout dépend de la cible, de ses habitudes de consommation, de ses croyances, de son vécu et de ce qui l’intéresse.

Quelles sont les critères pour être ambassadeur ou égérie d’une marque?
Pour qu’une marque décide de s’associer à une popularité, on veut jumeler les valeurs, et pour atteindre ses objectifs. Ainsi, la société va bénéficier de sa notoriété. Mais il y a une question d’image. Que représente la personne avec qui la marque va s’associer? En fonction du cycle de vie du produit, on a décidé de faire connaître le produit, le faire aimer ou pour mieux le vendre. Après avoir défini ses objectifs, l’entreprise va chercher la personnalité qui correspond le mieux à ces objectifs. Comme je le dis, cela peut être la notoriété ou la volonté claire de vendre.

Propos recueillis par Presvualie Ngo Nwaha (stagiaire)

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