Jude Ekobena : «Tout enfant de Dieu doit plus que jamais protéger son esprit»

Pour l’ethno-anthropologue, enseignant associé à la faculté de lettres et sciences humaines à l’Université de Maroua, il est juste et bon de se protéger des sorciers.

Pourquoi les gens recourent-ils à la sorcellerie, selon vous ?
Le recours à la sorcellerie intervient souvent quand tous les autres moyens «classiques» se sont révélés incapables d’apporter la solution attendue. Quand la personne ne trouve plus aucune réponse à ses questions dans les discours officiels, sociaux, médicaux, religieux… Ainsi, les clients des sorciers sont rarement des férus d’ésotérisme ou de mysticisme. Ils sont avant tout intéressés par leurs possibilités d’action. À cela s’ajoute la croyance en leurs «forces mystérieuses». Ainsi, l’essentiel de la relation entre les sorciers et leurs clients repose sur la conviction suivante: il existe des personnes hors du commun qui peuvent agir pour modifier le cours naturel des choses, car elles connaissent les principes de fonctionnement «des forces» qui régissent les rapports de tous les éléments qui constituent notre environnement.

On entend dire qu’on ne peut pas combattre un sorcier si l’on n’est pas sorcier soi-même. Qu’en dites-vous ?
L’esprit de l’homme, ce sanctuaire intérieur est devenu un champ de bataille, un lieu intense de combat spirituel où la bataille fait rage. Ce combat dans l’esprit se situe à deux niveaux :
– Au niveau du conscient (les pensées) – Au niveau du subconscient (les rêves) L’ennemi submerge, attaque violemment les pensées de l’homme, car il sait que s’il arrive à franchir cette première et cruciale ligne de défense, c’est-à-dire, à s’infiltrer, alors il pourra facilement s’emparer du corps, le frapper, et exercer un certain pouvoir sur ses actions.
Cette bataille a lieu non seulement pendant le jour par de fortes pressions et des flèches qui assaillent nos pensées, mais elle se déroule aussi pendant la nuit sous forme d’attaques nocturnes effectuées par des démons et les sorciers dans les rêves.

Les ministres du culte sont-ils des sorciers ?

Y répondre exige de mobiliser une grille d’analyse praxéologique en plus de la grille structuraliste ou même sémiologique. Étant donné la prolixité et la performativité du discours sur la sorcellerie, l’option qui se recommande à moi consiste à avoir recours aux représentations communes, aux histoires publiques véhiculées par les médias et le bouche-à-oreille, et enfin les histoires intimes qui impliquent les prélats comme témoins directs et même comme acteurs. Étant donné que ces trois types de discours s’alimentent l’un l’autre, il va falloir que j’étudie les dynamiques de circulation, les conditions d’énonciation et les formes d’implication des ministres du culte.

Doit-on fouetter les présumés sorciers ?
Il s’agit d’une bataille. Dans cette bataille tout enfant de Dieu doit plus que jamais protéger son esprit et ses rêves avec un bouclier spirituel puissant pour vaincre les attaques qui deviennent de plus en plus violentes et qui produisent des tourments dans l’esprit, des malheurs, des souffrances de toutes sortes, et même les maladies et la mort. Et là, je vous rappelle que même Jésus a utilisé le fouet un jour.

Quel peut-être l’état d’esprit de celui sur qui pèsent des soupçons de sorcellerie ?

En 2018, la chanteuse Beyoncé a été accusée de sorcellerie par une ex-musicienne de son groupe. Kimberley Thompson a porté plainte contre la star, l’accusant notamment de pratiquer des rituels de sorcellerie ayant provoqué la mort de son chaton ! Cette anecdote serait risible (la plaignante a été déboutée en justice) si elle ne cachait une réalité plus sombre. Être accusé de sorcellerie peut conduire aujourd’hui à la mort. C’est dire qu’avec ce qui s’est passé à Ndongko, ce vieillard peut mourir au moins pour trois raisons. Primo : c’est un malade de la prostate. Secundo : c’est un grabataire et pas quelqu’un de suffisamment bien entretenu. Tertio : il peut mourir des suites de l’humiliation publique qu’il a subie.

Propos rassemblés par
Jean-René Meva’a Amougou

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