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Cemac-FMI : Auraient-ils pu faire autrement ?

Le mariage de raison Cemac-FMI s’est imposé aux États membres qui ne disposaient pas d’alternatives crédibles pour à la fois sauver les meubles et se projeter vers un changement de paradigme économique.

Le président camerounais et la directrice générale du FMI

Les programmes de première génération entre les États de la Cemac et le FMI décidés lors du Sommet extraordinaire de 2016 n’ont pas produit les effets escomptés. Seuls deux États, le Cameroun et le Gabon, ont achevé leurs programmes. Les quatre autres ont vu les leurs interrompus car pour le FMI, ces programmes ne correspondaient plus à la réalité du contexte. Deux pays en particulier, la Guinée Équatoriale et le Congo n’ont même pas pu faire une année de programme.

Or, en 2016, la réussite de l’ajustement budgétaire, préféré à l’ajustement de la parité monétaire, était conditionnée par l’entrée collective et simultanée en programme. Bien plus, ayant déjà constaté l’échec des programmes de première génération en 2019, lors du Sommet extraordinaire de Yaoundé, les pays avaient «renouvelé leur engagement pour une approche solidaire, cohérente et concertée dans l’élaboration, en accord avec les partenaires techniques et financiers, de nouveaux cadres de coopération à la fin des programmes économiques et financiers de première génération soutenus par une Facilité Élargie de Crédit du FMI». Les accords de seconde génération étaient d’ores et déjà connus. Mais, il était souhaité plus de «solidarité».

Amplification
La pandémie de la Covid-19 a mis les États de la Cemac en faiblesse face au FMI. De prime abord, les fondamentaux des économies ont été amoindris (récession de -1,7% du PIB; solde budgétaire de référence à -2% du PIB; réserves de change maintenues à 3,2 mois d’importations de biens et services mais financées par la dette grâce aux appuis des partenaires techniques et financiers; dette publique à 55,6% du PIB, une progression de plus de 13,23% en un an; baisse des recettes budgétaires de 19%). Ensuite, les accords de première génération sont un échec. Enfin, où trouver les ressources pour financer la relance économique? Le Plan communautaire de relance économique postCovid-19 de la Cemac est chiffré à 9048,5 milliards FCFA. 5421,57 milliards Francs CFA sont à rechercher sur cinq ans. Or, selon le cadre de viabilité de la dette ci-dessous, tous les pays de la Cemac sont en situation de surendettement.

Le Sommet extraordinaire de Yaoundé réinvite à la solidarité dans les réformes, à l’accélération du rythme de mise en œuvre des réformes et à des réformes de grande envergure. En gros, à un ajustement structurel avant de transformer structurellement.

Remy Biniou

La dernière chance ?

Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale de la dernière chance? Est-ce l’apocalypse de la Cemac?

Après des Sommets extraordinaires sur la situation économique et financière en 2016 et 2019, les chefs d’État se sont retrouvés à nouveau pour un sommet extraordinaire sur la situation économique. Covid-19 oblige. Il fallait sauver le bateau Cemac!

La thérapie est connue. Le Fonds monétaire international rappelle les vertus de la gestion rigoureuse et austère. La Banque mondiale, mise en confiance par le FMI, apporte de la ressource pour des projets de développement.

Les résolutions des Sommets extraordinaires de Yaoundé se rejoignent en tous points de vue. Les vulnérabilités des États sont les mêmes, à l’exception de la santé qui est le nouveau venu. Les scénarii également identiques : hypothèses budgétaires démenties par la baisse des cours des matières premières dont les hydrocarbures principalement, recours aux appuis budgétaires et recul des réserves de change, résurgence de l’insécurité alimentaire, regain de l’extrémisme violent… En solution, appel à plus d’ajustement budgétaire, appel à davantage de réformes structurelles, appel à d’amples actions visant l’amélioration du climat des affaires pour désengager l’État et laisser le secteur privé s’épanouir.
Face à ce qui s’apparente de plus en plus comme une boucle temporelle, il est peut-être venu le temps d’entrevoir la fin de la Cemac!

Trêve de pessimisme !!!
La Cemac pourra encore avoir de beaux jours devant elle. Mais, il est clair que l’âge d’or du pétrole est derrière nous! Il faut nécessairement changer de paradigme économique. Plus de productivité, plus d’interdépendance commerciale, plus d’observance des règles de la surveillance multilatérale…
En somme, le Sommet de Yaoundé hausse le ton pour la mort d’une certaine Cemac. Celle qui nous rappelle la gouvernance vorace des pays!

Cemac

Une zone économique divisée!

Le Sommet extraordinaire n’a pas réussi à rapprocher les positions des États sur la nécessité d’aller au FMI pour redresser la situation économique qui prévaut.

Y aura-t-il à nouveau un fossé entre le communiqué final du Sommet extraordinaire, la ligne défendue par la Commission de la Cemac et l’implémentation? Des sources concordantes à la Commission de la Cemac, au Pref-Cemac et au FMI laissent clairement comprendre que tous les États ne sont pas convaincus par l’opportunité de faire recours au FMI.

Adjuvants
D’un côté, il y a le Cameroun. Le leader et le doyen estime qu’il faudrait y aller mais de gaité de cœur. Les experts financiers de l’État du Cameroun, ayant préparé la position du pays, estiment que le FMI est un garant, une caution pour assurer la crédibilité sur les marchés des capitaux. Et même pour rassurer les investisseurs que le Cameroun est un bon risque. Pour preuve, l’un des arguments du Cameroun lors de la recapitalisation de l’eurobond était la conclusion prochaine de son programme de deuxième génération. Chose faite.

En face, la Guinée Équatoriale. Le pays a tardivement conclu son programme de première génération (décembre 2019 alors qu’il devait se faire en début 2017). Le pays conserve sa méfiance envers les partenaires techniques et financiers. Principalement le FMI et la France. Pour le premier, le pays estime que le «dictat» de Bretton Woods est nocif pour la quiétude sociale et que la méthode du FMI compromet la création de croissance. Bref, elle maintient l’Afrique dans la pauvreté. Avec la France, la querelle est politique. Entre le coup d’état manqué qui aurait commencé en France, la condamnation du vice-président en France pour biens mal acquis et surtout le non-renouvellement de la coopération monétaire avec la France, la pilule a du mal à passer.

D’un autre côté, il y a le Congo. Le pays éprouve de sérieuses difficultés à implémenter les programmes économiques. Entre les contraintes exogènes qui ont empêché la restructuration de la dette extérieure, les turbulences économiques qui ont entrainé des relâchements dans l’implémentation des réformes et le climat politique, le pays se heurte à des entraves sérieuses. Provoquant l’effet de passager clandestin.

Perspectives
Le Sommet extraordinaire de Yaoundé a insisté sur la solidarité dans l’implémentation accélérée des réformes. En gros, il faut ajuster ensemble, il faut ajuster rapidement, bien et vite.
Le communiqué final le dit éloquemment en ses points 9: «exhorté les États membres et les institutions sous-régionales à faire du Plan communautaire de relance économique post- Covid-19 de la Cemac, une cause commune, et invité les Partenaires techniques et financiers à les accompagner massivement dans sa mise en œuvre»; et 10: «réaffirmé leur attachement à la solidarité communautaire face aux chocs sanitaire, sécuritaire et économique, à travers la poursuite d’une stratégie cohérente et coordonnée pour préserver la viabilité des finances publiques et renforcer la position extérieure de la Cemac».
Le cadre stratégique des accords de seconde génération préparée par le Pref-Cemac constitue pourtant une copule pour un engagement communautaire.

Bobo Ousmanou

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