Jacob Desvarieux : L’Afrique, sa note sécrète

Tout au long de sa carrière, le musicien au prénom biblique se décrivait comme «un vieillard et un gamin au service de ses racines». Évocation.


Par où commencer à propos d’un musicien d’exception ayant visité tous les continents, de l’Afrique à l’Amérique? Peut-être par «Zouk la sé sèl médikaman nou ni» («Le zouk est le seul médicament que nous avons», Ndlr), l’un de ses succès. Et pour cause : «ce titre sorti en 1984 revendique une filiation musicale multiple, mais spécialement du Cameroun», expliquait Jacob Desvarieux le 10 novembre 2020 à Yaoundé. Pour quelqu’un qui avait côtoyé le guitariste guadeloupéen des années auparavant, pas de surprise : «Zouk la sé sèl médikaman nou ni, c’est la guitare de Jean Bikoko Aladin qui l’a inspirée». Et Charly Mveme de confirmer. «Ahaaa Jacob Desvarieux, il a vraiment révolutionné la musique africaine-caraïbes. Le Kassav largement diffusé dans mon émission « Bonsoir la Province » sur Radio Centre-Sud. J’avais toujours l’exclusivité parce que mon ami et frère Mbida Douglas était le clavier du groupe.

J’étais aussi le correspondant de Couleur Tropicale animé par Gilles Obringer sur RFI. Et lui Jacob m’a dit dans une interview: mais mon frère, Souk la se sel médikament là, c’est de l’Assiko», dévoile l’animateur radio émérite. Sur le coup, la justification était vite donnée par Jacob lui-même. Il joue cartes sur table: «comme les Afro-Américains des États-Unis, nous cherchions des réponses pour reprendre le fil d’une histoire qui nous avait été confisquée». L’affaire ne s’était pas arrêtée là. Pour la suite, les journalistes avaient eu droit à «l’Afrique est un totem pour moi. Ce que mes parents m’ont transmis, c’est d’abord une façon de pratiquer à l’oreille, sans partition, et avec une notion de liberté artistique essentielle; les musiques d’oralité africaine se réinventent sans cesse depuis des siècles. Elles sont juste sorties pour avoir d’autres noms comme reggae ou zouk. Je suis fier d’attester, à travers ma musique, que les territoires africains sont des réservoirs de langues et de culture que les descendants vivant ailleurs ont enrichis d’apports successifs». Dixit Jacob Desvarieux.

«Chez lui, la musicalité passait avant le sens des textes. Et lorsqu’il chantait, enlaçant sa voix puissante sur des rythmes nés en Afrique, c’est la terre qui se soulevait aux confins de la transe», confirme Daniel Anicet Noah. Pour le spécialiste camerounais de la sémiotique, «Jacob Desvarieux a librement réinventé les musiques africaines avec sa sensibilité; sauvant ainsi de l’oubli certaines d’entre elles». L’Afrique, bien sûr, toujours… parce que sur la pochette de certains de ses albums, on y voyait des drapeaux africains, comme pour en appeler à l’unité africaine. Chanteur à la voix rocailleuse et enveloppante, le père du zouk n’avait pas sa langue dans sa poche quand il s’agissait de dénoncer la faible représentativité des communautés ultramarines et africaines dans les médias. En 2020, il avait également haussé le ton après la suppression des catégories musiques du monde et musiques urbaines aux Victoires de la musique.

Jean-René Meva’a Amougou

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