Afrique centrale, les nouvelles : exigences de la BAD

Présentées en exclusivité à votre hebdomadaire par le directeur de la banque panafricaine en Afrique centrale, les nouvelles valeurs viseront plus de résultats et plus d’impact.

Est-ce une nouvelle ère qui se lève en Afrique centrale? On peut se permettre d’en rêver. Serge Marie Nguessan, installé depuis deux mois dans ses fonctions de directeur général de la Banque africaine de développement pour l’Afrique centrale, veut accélérer le développement et l’intégration régionale. Pour lui, «les grandes impulsions sont : accélération, résultats et impacts en termes d’intégration et de déploiement». D’ailleurs, c’est le «mot d’ordre» qui a traversé les différents échanges qu’il a eus avec les chefs d’État de la région qui l’ont reçu.

Pour y arriver, il faut de nouvelles valeurs. Et pour cela, il est clair, «avec ce que nous avons vécu de la pandémie, qu’il faut changer de façon de travailler. Il faut aller au résultat très rapidement». Le cap est fixé. La BAD, en Afrique centrale, veut des résultats rapides avec des impacts pour les populations et les gouvernants à l’effet de faire régner une satisfaction mutuelle. La nouvelle impulsion s’appuie sur plusieurs facteurs dont l’essentiel offensif est la transformation structurelle par et pour une meilleure intégration régionale.

Nouvelle impulsion
Georges-Louis Leclerc de Buffon, devenu Comte de Buffon, disait «le style c’est l’homme». Tout manager imprime un style à son magistère. Serge Marie Nguessan, qui connaît l’Afrique centrale «pour avoir passé ma carrière à la Banque africaine de développement en couvrant la grande partie des pays de la sous-région», a choisi le meilleur pour l’Afrique centrale.

Le nouveau directeur de la BAD pour l’Afrique centrale veut «repositionner cette région qui est centrale à l’Afrique, de par sa localisation mais aussi, de par ses ressources énormes, au cœur du développement du continent». Sa recette repose sur trois impulsions principales : améliorer la connectivité des réseaux électriques et des infrastructures, tripler les échanges commerciaux intrarégionaux (à l’horizon 2025) et augmenter à la fois le niveau de consommation des ressources dédiées aux projets intégrateurs dans le portefeuille de la BAD, mais aussi augmenter le volume de ressources alloué à ces projets. Car, comme on ne s’en laisse plus surprendre, «la Banque africaine de développement a un portefeuille qui équivaut à peu près à 3410 milliards Fcfa dans la région avec 134 projets dans les sept pays couverts (Cemac + RDC). Sur ce montant important de ressources mobilisées par les États et le secteur privé, nous n’avons simplement que 11% de ces ressources qui sont utilisées actuellement pour financer les projets intégrateurs».

Sur le caractère réaliste de ses ambitions, le stratège sait que des lenteurs et des gangrènes peuvent saper son déploiement. Il en sait quelque chose.
Tout comme, il n’oublie pas les défis liés à la dette, à la gouvernance, au développement du social, aux changements climatiques. Cet entretien exclusif vous sera livré en plusieurs séries. La première que voici vous présente les nouvelles valeurs de la BAD en Afrique centrale sous le magistère de Serge Marie Nguessan.

 

Serge Marie Nguessan

 

«Seulement 11% des ressources mobilisées sont utilisées pour financer les projets intégrateurs»

Le directeur général de la Banque africaine de Développement (BAD) en Afrique centrale, à l’aube de son mandat, dévoile dans un entretien exclusif au Journal Intégration et à la CRTV, les grands leviers d’impulsion qui vont lui permettre d’accélérer le développement et l’intégration régionale dans la sous-région.

 

Monsieur le Directeur général, le Journal Intégration est très honoré de vous avoir en interview. Félicitations pour votre nomination et bienvenu en terre camerounaise. Comment s’est passée votre installation en Afrique centrale, région aux multiples défis?
Je voudrais avant tout propos adresser mes sincères remerciements au président de la République du Cameroun, Paul Biya. Il a bien voulu donner sa très haute acceptation pour mon accréditation en ma qualité de Directeur général de la Banque africaine de Développement pour la région Afrique centrale, installé au Cameroun. Cette acceptation s’est faite en diligence. Elle est arrivée très rapidement. Je suis dans la région depuis 2 mois. Au cours de mes visites dans les différents pays, les hautes autorités ont réitéré que le chef de l’État camerounais s’est engagé fortement pour l’intégration régionale, l’intégration des économies de ces pays de la région, l’intégration des populations de la sous-région. C’est donc un leader en matière d’intégration pour la région. La Banque africaine de développement voudrait le remercier pour toutes ces actions.

Je voudrais que vous me permettiez aussi de remercier très particulièrement mon président. Le président de la Banque africaine de développement, le docteur Akinwumi Adesina qui m’a donné l’opportunité de pouvoir diriger les équipes ainsi que les activités de cette prestigieuse institution panafricaine en Afrique centrale. L’objectif est d’accélérer la mise en œuvre des 5 grandes priorités de notre institution que vous connaissez déjà : on les appelle les High 5 ou Top 5. Mais surtout d’accélérer la transformation structurelle de nos économies dans la sous-région de façon à permettre aux populations de la sous-région de vivre convenablement et de manière durable et positive.

Je vous remercie vous-mêmes du Journal Intégration de me donner l’opportunité de m’adresser aux populations camerounaises et de la sous-région.
La question que vous me posez est évidente. C’est une question de bienséance. Mais je voudrais, pour tout l’intérêt que j’ai pour cette sous-région, pour le respect et l’estime que j’ai pour les populations de cette sous-région, dire que mon installation s’est très bien passée. J’ai été touché par la chaleur de l’accueil des Camerounais. Cet accueil-là est légendaire. L’Afrique, les Africains connaissent la qualité de l’hospitalité camerounaise. J’ai été particulièrement touché par cet accueil.

Je voudrais dire que je connais un peu le Cameroun, pour avoir couvert ce pays-là dans le passé. Je connais aussi la sous-région, pour avoir passé ma carrière à la Banque africaine de développement en couvrant la grande partie des pays de la sous-région. C’est donc avec un réel plaisir que je me retrouve à Yaoundé. Je voudrais, à travers vous, remercier toutes les personnes que j’ai rencontrées depuis mon arrivée, pour les cordiales et chaleureuses paroles de bienvenue que toutes ces personnes continuent à m’adresser.

Je suis enthousiasmé par la région. Cette région d’Afrique centrale est une région avec une richesse énorme en matière de ressources humaines, une richesse énorme en matière de ressources naturelles, sa diversité mondialement reconnue. Nous souhaitons à travers ma présence ici valoriser toutes ces potentialités.

Vous avez déjà été reçu par plusieurs chefs d’État de la Région. À leur contact, avez-vous pu faire un état des lieux des besoins et défis de la région ?
Je saisis l’occasion pour exprimer toute ma gratitude aux chefs d’État qui m’ont fait l’honneur de me recevoir. Je remercie l’ensemble des chefs d’État de la zone Cemac et de la RDC pour leur soutien remarquable à la Banque africaine de développement qui est leur banque. Un soutien manifesté à l’occasion de l’augmentation historique du capital de la banque en 2020. Les chefs d’État de la sous-région ont fortement soutenu cette augmentation qui montre clairement leur engagement à voir cette banque africaine de développement forte pour impulser le développement qu’il faut dans leur région. Les entretiens, les échanges que j’ai eus avec les différents chefs d’État nous ont permis de faire le point de la coopération entre la banque africaine et leur pays, puis d’engager les perspectives face aux grands défis nouveaux que nous voyons dans la sous-région. Je voudrais faire référence à la pandémie de la Covid-19.

Au cours de ces discussions, l’obligation pour les hautes autorités et pour les partenaires techniques et financiers comme la Banque africaine de développement de trouver des solutions innovantes et courageuses pour pouvoir adresser ces problématiques nouvelles a été longuement évoquée. En quelques mots, la problématique de la relance économique après la pandémie, la problématique de l’endettement, la problématique des changements climatiques : les chefs d’États ont insisté là-dessus. Tout aussi l’innovation et le courage de faire les réformes qu’il faut pour apporter les appuis aux populations en détresse depuis 2020.

«L’impulsion que nous voulons donner c’est accélérer l’exécution des projets intégrateurs, avoir rapidement de l’impact sur le terrain pour que les populations puissent voir le bien-fondé des ressources mobilisées par leurs autorités et puis prendre l’ampleur en matière de mobilisation des ressources fraîches»

J’ai été impressionné par la connaissance des grands défis, j’allais dire des défis traditionnels de la région que les chefs d’État avaient particulièrement la situation de la fragilité de la région caractérisée par le contexte sécuritaire volatile et plusieurs zones d’instabilité. Le financement de la sécurité est devenu une priorité des priorités. Il ne peut pas y avoir de développement sans la paix. Donc le poids du financement de la sécurité a été relevé par tous les chefs d’État que j’ai rencontrés. Il faut non seulement que les pays trouvent les moyens pour faire face à ce défi qui peut entraver tous les acquis en matière de développement, mais que la communauté internationale soit sensibilisée sur l’importance d’apporter un appui spécial aux pays qui utilisent une grande partie de leurs ressources pour se défendre mais aussi bloquer la descente des terroristes ou simplement de l’insécurité dans les autres parties de la région. Cette problématique, la banque l’a bien comprise. J’ai réitéré aux différents chefs d’État la volonté de leur banque de vouloir relever ces défis avec eux. La Banque africaine de développement se veut plus que jamais, avec les différentes crises que nous connaissons sur le continent, être cette banque de solution, une banque d’impact, une banque à l’avant-garde de la résolution des défis de ce continent en optimisant toutes les potentialités de nos pays.

C’est donc des rencontres très fructueuses qui me permettent de lancer ma mission avec des orientations très claires, des autorités, des hautes autorités de la région.
J’ai été aussi content de leur annoncer les bonnes nouvelles s’agissant de la Banque africaine de développement. Nous avons maintenu notre cotation AAA (triple A), mais la banque a aussi été désignée, par cette prestigieuse publication américaine Global Pounds, comme étant la meilleure institution financière multilatérale au monde en 2020. Les chefs d’État ont été très fiers de leur banque et ont dit que je rapporte cela au président Adesina pour le féliciter et lui dire de continuer à faire de la banque la meilleure banque de développement dans le monde.

La Banque Africaine de Développement est un partenaire central dans la quête de développement des pays de l’Afrique centrale, mais aussi dans l’intensification du processus d’intégration régionale dans la région. Quelle est l’impulsion que vous envisagez donner ou alors avez commencé à donner à l’effet de concrétiser ces deux objectifs (développement et intégration régionale)?

Pour répondre à cette question, je voudrais donner un contexte et prendre appui sur le contenu de mes échanges avec les chefs d’État comme évoqué dans la question précédente. Le mot d’ordre des différentes discussions c’est l’accélération du développement. Avec ce que nous avons vécu de la pandémie, toutes les autorités sont conscientes qu’il faut changer de façon de travailler. Il faut aller au résultat très rapidement. En matière d’intégration régionale, vous savez que l’Afrique centrale est malheureusement la région du continent où l’intégration est à la traine. Vous ne pouvez pas développer une région comme celle-là avec toutes ces potentialités si vous n’abordez pas cette question de l’intégration régionale à bras le corps. L’intégration régionale est une partie essentielle du mandat de la Banque africaine de développement depuis sa création en 1964. Voilà pourquoi avec le président Adesina, l’intégration fait partie de ses grandes priorités. Ce choix-là est fait sciemment, surtout pour l’Afrique centrale. Cette intégration régionale doit nous permettre de faciliter non seulement les échanges entre les peuples mais faciliter l’accélération du développement économique des différents pays.

C’est tellement important parce que nous pensons qu’en se focalisant sur toute une région avec une stratégie bien claire qui parle de la diversification économique, de la transformation structurelle mais aussi spatiale de cette région, nous abordons également les mêmes thématiques dans les pays, mais en utilisant l’avantage comparatif de chacun de ces pays dans le contexte régional. L’impulsion donc que nous voulons donner au développement et à l’intégration régionale, c’est une impulsion qui va nous permettre de repositionner cette région qui est centrale à l’Afrique, de par sa localisation, mais aussi de par ses ressources énormes, au cœur du développement du continent. Nous voulons le faire de deux façons : la première c’est d’améliorer la connectivité des réseaux électriques et des infrastructures dans cette région.

Vous remarquerez que cette priorité est aussi la priorité cruciale pour chacun des pays. Mais il faut avoir une priorisation qui permette justement de constituer et de rendre ce réseau d’infrastructures intégrateur le plus bénéfique pour la région. Nous voulons tripler les échanges commerciaux intrarégionaux. La région d’Afrique centrale ne réalise qu’à peine 2%. Nous voulons tripler cela à l’horizon 2025. J’insiste sur cet aspect pour faire un lien avec le développement du secteur privé. Cette intégration régionale ne peut être réussie si nous n’avons pas une participation forte du secteur privé. Avec l’avènement de la Zlecaf, il faut absolument que la région profite de cette zone de libre-échange. Que les entreprises régionales ou nationales de l’Afrique centrale, particulièrement les petites et moyennes entreprises, profitent de la Zlecaf.

La Banque africaine de développement a un portefeuille de 6,18 milliards dollars US dans la sous-région. Ce qui équivaut à peu près à 3410 milliards FCFA dans la région avec 134 projets dans les sept pays couverts (Cemac + RDC). Sur ce montant important de ressources mobilisées par les États et le secteur privé, nous n’avons simplement que 11% de ces ressources qui sont utilisées actuellement pour financer les projets intégrateurs. Non seulement, il est important de réaliser ces projets qui sont déjà dans le portefeuille, donc de consommer rapidement ces ressources, mais aussi, il faudra augmenter le part des projets intégrateurs dans le portefeuille de la BAD dans la sous-région.

L’impulsion que nous voulons donner c’est accélérer l’exécution des projets intégrateurs, avoir rapidement de l’impact sur le terrain pour que les populations puissent voir le bien-fondé des ressources mobilisées par leurs autorités et puis prendre l’ampleur en matière de mobilisation des ressources fraîches. Nous allons aussi intensifier notre appui aux réformes stratégiques critiques pour pouvoir améliorer les conditions de vie des populations surtout dans les zones rurales. Voilà rapidement présenter les grandes impulsions : accélération, résultats et impacts en termes d’intégration et de déploiement.

Interview co-réalisée par le Journal Intégration et la CRTV

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