Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier.

Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier.

Benjamin Ombe

Le Cameroun fait face, depuis plus d’une décennie, à une urbanisation galopante. Cette forte croissance de la population urbaine est la conséquence d’une part de la croissance démographique du pays et d’autre part du niveau de pauvreté en zone rurale. D’après les estimations de la Banque mondiale (BM), en 2019, la population du Cameroun était estimée à près de 25 millions d’habitants. Cette population est majoritairement urbaine. Selon des projections de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), en 2020, Yaoundé, la capitale politique du Cameroun comptait 3,2 millions d’habitants et Douala 3,1 millions. « Toutes les villes du pays voient leur population littéralement exploser. Mbouda, dans l’Ouest du pays, a ainsi un taux de croissance annuel de +7,8 %, le plus élevé du continent africain », martèle l’institution onusienne. Selon les projections de la CEA, la population urbaine représentera 57% de la population totale en 2035.

À côté des enjeux démographiques, le rythme de pauvreté en zone rurale est très accentué. Alors que le niveau de pauvreté global du pays est estimé à 35% en 2018 (Minepat, 2018) touchant près de 8 millions d’habitants, le seuil de pauvreté du pays présente une situation de déséquilibre manifeste en fonction du milieu de résidence. En effet, près de trois personnes sur cinq (56,8%) vivant en milieu rural sont pauvres, contre 8,9% en milieu urbain. Il y a lieu de relever que les deux grandes métropoles, Douala et Yaoundé, sont celles où l’on rencontre moins de pauvres (respectivement 4,2% et 5,4% de pauvres).

Dans cette configuration, pour mieux aborder la problématique de l’exode rural et réduire les inégalités de tout genre entre milieu urbain et zone rurale, le Cameroun s’est engagé à la mise en œuvre de la décentralisation telle que prévue dans la constitution de 1996. Le parachèvement institutionnel de ce processus s’est matérialisé avec la création et l’installation des conseils régionaux. L’achèvement de cet important processus laisse place à la question de la gouvernance des villes, capables de répondre aux attentes économiques et environnementales. La question est de savoir : comment transformer les 312 villes que compte le Cameroun en zone d’attractivité et creuset de développement social-économique durable?

Dans son rapport technique du programme « Afrique Villes Durables », Urbaniste Sans Frontière (USF), dévoile six « priorités » pour la ville durable au Cameroun. En tête, figure, la « gestion foncière ». L’urbanisation accélérée des villes camerounaises crée un fort besoin foncier. Pour remédier à cette situation, le « gouvernement a initié plusieurs programmes, à l’instar du Programme de constitution des réserves foncières destinées au développement des projets d’intérêt général, qui vise d’une part à satisfaire la forte demande exprimée par les promoteurs des projets structurants, notamment l’habitat social dont la demande est estimée à 2 000 ha de terrain à l’horizon 2020 et , d’autre part à favoriser l’accroissement substantiel de l’offre de terrain pour les projets de développement de l’Etat, des autres personnes morales de droit public et des promoteurs privés » .

Dans la même optique, il a été lancé le programme d’aménagement de 50 000 parcelles constructibles qui vise à pallier les effets de la suspension de la politique de production des parcelles sociales par l’État et le Projet d’appui à la modernisation du cadastre et au climat des affaires (PAMOCCA), qui a pour objectif de valoriser le capital foncier du Cameroun afin d’améliorer la croissance de manière durable et de réduire la pauvreté.

Le rapport de l’USF place la question de « l’emploi et l’économie circulaire » en seconde place des priorités pour le développement des villes camerounaises. La courbe du chômage du pays connaît une croissance haussière depuis plus d’une décennie. Le taux de sous-emploi global est passé de 71,1% en 2007 à 79,0% en 2014, soit une augmentation de 7,9 points. Les jeunes sont les plus affectés. Le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) était de 8.9% en 2017 (PNUD, 2018) alors qu’il est seulement de 3,8% pour l’ensemble de la population.

D’après l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Cameroun figure en deuxième place des pays ayant le plus fort taux de travailleurs indépendants avec un indice de 76,8%. L’économie circulaire ne figure pas encore dans les priorités de développement du Cameroun. Selon une étude réalisée par l’INS en 2014, à peine 2,1% de la quantité des ordures produites en 2014 ont été recyclés sur l’ensemble du territoire. Au-delà des problèmes d’ordre sanitaires que cela pose, cette situation est source de pollution atmosphérique et donc un vecteur des changements climatiques.

L’épineux problème de « l’accessibilité à l’eau potable » ressort à la troisième position des priorités des villes camerounaises selon l’USF. En 2019, sur une population de près de 24 millions d’habitants, environ 9 millions de Camerounais n’ont pas toujours accès à un service d’eau potable selon l’ONG, African Center for Advocacy (ACA). Le taux d’accès à l’eau potable au niveau national était estimé à 72,9 % en 2018.

« Les énergies renouvelables » occupent la quatrième place. Le taux des sources d’énergie propres dans le mix énergétique disponible à la consommation est passé de 1% en 2013 à environ 5% en 2019. Ces énergies servent principalement pour l’électricité, le chauffage et l’alimentation des technologies liées au transport de masse. Dans le cadre de sa politique de promotion des énergies propres, le gouvernement a mis en place le projet d’électrification de 1 000 localités par système solaire photovoltaïque d’une capacité de 11,2 MW dont la phase II est lancée après l’achèvement de la phase pilote qui couvrait 166 localités.

L’objectif du gouvernement est de porter le taux d’utilisation des sources d’énergie renouvelable à 25%, soit 11% pour l’hydroélectricité, 7% pour la biomasse, 6% pour l’énergie solaire photovoltaïque et 1% de l’énergie éolienne à l’horizon 2030. Cette ambition est exprimée dans son Plan de développement du secteur de l’électricité à l’horizon 2030 (PDSE, 2030).
En cinquième position, la «gestion des déchets». D’après l’Atlas des statistiques de l’environnement (INS, 2016), la production de déchets ménagers est passée de 972 000 tonnes en 2008 à 1 327 400 tonnes en 2014. En 2016, seulement 32,6% des ménages avaient accès au service d’évacuation/ramassage des ordures ménagères.

Le nœud des priorités des villes camerounaises est la «participation citoyenne» qui occupe la sixième place. Bien que les indicateurs pour mesurer la participation citoyenne soient manquants, sur la base de l’observation, il ne s’agit pas encore d’une culture partagée au Cameroun. La population reste majoritairement demandeuse de service public au lieu d’être pourvoyeuse. L’atteinte des objectifs de développement durable demande la mobilisation de tous les acteurs (étatiques, non étatiques et citoyens). Sans une véritable participation citoyenne, les villes camerounaises ne connaîtront pas un essor économique à la hauteur de leur potentialité.

Benjamin Ombe-Journaliste-Auteur de l’essai

«Le Cameroun en prospective :

Evaluation critique des objectifs du développement durable»,

Harmattan, septembre 2020.

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