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Dépenses militaires en 2020 : La Cemac pèse 800 milliards FCFA

Malgré sa récession économique, les pays de Communauté économique des Etats d’Afrique centrale ont continué de s’armer dans un contexte marqué par les problèmes de sécurité. Parfois liés à la montée de l’extrémisme violent et à la prolifération des groupes armés non étatiques.

Les dépenses militaires mondiales ont battu un record l’an dernier, pour la quatrième année consécutive. Malgré une récession mondiale de 4,4 % pour cause de pandémie, elles ont progressé de 2,6 %, pour frôler les 2.000 milliards de dollars, 1.981 milliards exactement, selon un rapport du think tank de référence, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), publié ce mois d’avril 2021. Ces dépenses, qui cumulent les frais de personnel, de recherche et d’acquisition de matériels, avaient déjà atteint en 2019 un niveau sans précédent. En ce qui concerne la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (Cemac), l’analyse du rapport montre que les autorités des six pays de la sous-région ont investis 1,536 milliards de dollars soit près de 838 milliards de FCFA dans le secteur militaire durant l’année 2020.  

Selon le SIPRI, le Cameroun est le pays de la zone Cemac qui dépense le plus pour s’armer, avec environ 213 milliards FCFA pour acheter des armes en 2020. Le pays est suivi par le Tchad (175, 340 milliards FCFA environ) et du Congo (162,768 milliards FCFA). Le Gabon et la Guinée-Équatoriale ont, quant à eux, consacré 147 et 114 milliards FCFA respectivement pour leurs sécurités en l’année dernière. Le ranking de la sous-région est bouclé par la Centrafrique. Plongée dans une instabilité sécuritaire depuis 2013, les conflits ont entravé son développement. La RCA dépense paradoxalement moins que ses voisins de la Cemac (41,3 milliards FCFA environ). Malgré la riche présence d’uranium, diamant, bois et or sur son territoire. Mais aussi du coton, café, tabac et bétail.

Le Tchad et le Cameroun : les deux puissances militaires de la Cemac

En outre, selon site internet américain Global Fire Power, au Cameroun l’on estime à plus de 9 millions le nombre total de personnes disponibles pour faire le service militaire.  Le personnel apte au service au Cameroun est estimé à plus de 5 millions, tandis que le personnel actif est de 14 000 personnes. Pour la puissance aérienne, il compte également 17 hélicoptères. S’agissant de la force terrestre, le pays possède 245 blindés, 60 artilleries automotrices et 20 projecteurs de roquettes. Le Tchad, lui, possède un personnel militaire d’environ 30 500 personnes. De son vaste territoire enclavé en zone sahélienne, le pays de défunt président Idriss Deby Itno possède 385 blindés et 17 hélicoptères. Dans la sous-région, la 3e puissance militaire revient au Congo Brazzaville. L’effectif militaire actif est de 10 000 personnes. Il a 115 blindés et 8 hélicoptères, selon Global Fire Power. Le Congo est suivi de la RCA (4e). Le pays du président Touadera a en sa possession 7200 militaires actifs. La sécurité du territoire est assurée grâce à la disponibilité de 45 blindés et un seul hélicoptère. Classé 5ème dans la sous-région avec une armée dont l’effectif est estimé à 5000 hommes, 23 aéronefs, 150 blindés, le Gabon arrive en dernière position.

Au niveau des autres régions du continent, le tableau est largement dominé par l’Afrique du Nord qui a acheté pour 24,6 milliards $ d’armes en 2020 contre 23,1 milliards $ en 2019. Sur fond de conflit entre l’Algérie et le Maroc autour de la question du Sahara occidental, la course à l’armement entre les deux géants du Maghreb s’intensifie. Pourtant, les dépenses militaires représentent un gouffre financier énorme pour Alger, à cause de la baisse du cours du pétrole. Ainsi que pour Rabat d’ailleurs, dont le tourisme, première source de devises, est frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Pour sa part, et toujours selon le dernier rapport relatif aux dépenses militaires dans le monde pour l’année 2020, publié le SIPRI, le Maroc figure parmi les pays qui dépensent le plus en armes sur le continent africain. Il est même classé 40ème dans le monde dans la liste des pays qui dépensent le plus en armes. Le royaume est ainsi le deuxième en Afrique. Sachant qu’au cours de la dernière année, il s’est classé 45ème mondial.

Le maintien de l’Égypte au sommet en Afrique

Sur le plan continental, l’Égypte continue de dominer militairement le continent. L’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Maroc (qui remplace l’Angola cette année) complètent dans l’ordre le Top 5 africain des puissances militaires en 2021. Sur le plan mondial, ce sont toujours les Etats-Unis qui occupent la première place du podium, avec un budget militaire estimé à 740 milliards de dollars. Ils sont suivis par la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du sud et la France, comme dans le classement de l’année précédente. Pour rappel, depuis 2006, ce classement repose sur plus de 50 facteurs (comme la taille de la population, la population en âge de travailler, la population en âge d’être mobilisée, le nombre de tanks, d’avions, de navires de guerre, le budget militaire, la dette extérieure…) pour déterminer le score de l’indice de puissance d’un pays donné et déterminer la capacité potentielle de guerre de chaque nation. La flotte de pétroliers, les hélicoptères et les forces paramilitaires sont pris en considération en 2021. Par ailleurs, on constate que 18 pays africains ne figurent pas dans ce classement : Bénin, Burundi, Cap Vert, Comores, Djibouti, Erythrée, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Malawi, Maurice, Rwanda , Sao Tomé , Sénégal, Seychelles, Eswatini , Togo.

Ces dépenses en hausse interviennent alors que le continent a enregistré une contraction économique historique en 2020, à cause de la pandémie de covid-19. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’économie de l’Afrique subsaharienne a plongé de 1,9% en 2020 et selon la Banque africaine de développement (BAD), le continent a enregistré une contraction économique de – 2,1%. Cependant, la persistance des défis sécuritaires semble avoir poussé les pays à maintenir leurs dépenses dans le secteur de l’armement, alors même que des difficultés se faisaient sentir dans le secteur sanitaire. Selon le SIPRI, l’Algérie est le pays africain qui dépense le plus pour s’armer, avec plus de 9,7 milliards $ utilisés pour acheter des armes en 2020, même si ce chiffre est en baisse par rapport à 2019 (9,9 milliards $). En Afrique subsaharienne, c’est l’Afrique du Sud qui arrive en tête avec 3,1 milliards $ consacrés à ces dépenses en 2020, suivie du Nigeria (2,5 milliards $) et du Kenya (1,1 milliard $).

Les ONG s’enflamment des dépenses militaires

Ce rapport de SIPRI tombe au moment où des ONG demandent un jour de dépenses militaires contre la famine. Plus de 260 ONG, demandent aux Etats d’attribuer l’équivalent d’un jour de dépenses militaires à la lutte contre la faim. Elles ont appelé mardi à combler 5,5 milliards de dollars pour 34 millions de personnes au bord de la famine. « La famine et la privation de nourriture n’ont pas lieu d’être au 21e siècle », disent ces organisations dans une lettre ouverte publiée mardi dernier. Or, les conflits, le changement climatique, la situation économique, les inégalités ou encore la pandémie confrontent plus de 260 millions de personnes à des difficultés alimentaires.

Près de 180 millions d’entre elles pourraient décéder de malnutrition ou d’un manque de nourriture. Face à ces défis, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) ont demandé plus de 5 milliards aux dirigeants mondiaux. Un appel qui n’a pas provoqué de réponse suffisante des gouvernements, déplorent les ONG. Alors même que 26 heures des dépenses militaires suffiraient à financer cette enveloppe. Le décalage entre les besoins grandissants et l’aide limitée qui peut être acheminée augmente. Il faut œuvrer « maintenant », insistent les organisations.

Selon elles, tous les pays doivent collaborer, sans pour autant détourner des ressources prévues pour d’autres besoins humanitaires urgents. Ils doivent aussi garantir un accès humanitaire sans entraves pour les acteurs présents dans les territoires affectés. Les prix alimentaires atteignent actuellement des records par rapport aux années récentes, selon l’ONU.

Landry Kamdem

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