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Les petits pas du Cameroun vers les Objectifs du Développement Durable (ODDs)

Le Cameroun a présenté sa première Revue Nationale Volontaire (RNV)1 lors du Forum Politique de Haut Niveau (FPHN) qui s’est tenu du 9 au 18 juillet 2019 au siège des Nations Unies à New York.

Par ailleurs, le pays a fait les comptes de la première phase de son plan national de développement, vision 2035, déclinée dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE). L’évaluation de ces différents agendas de développement a démontré que la marge de progression vers les objectifs visés reste encore considérable. Pour rectifier le tir, le pays vient de lancer la deuxième phase de son plan de développement baptisé «Stratégie Nationale de Développement 2020-2030». Il s’agit d’une dérivation du DSCE.

La mise en œuvre de la SND 2020-2030 sera couplée avec la dernière décade des ODDs. C’est donc un défi majeur pour le Cameroun de conduire les deux agendas de développement de façon simultanée (même si la SND prend en compte certains aspects des ODDs, (du moins sur le plan conceptuel). L’une des clés de réussite dans l’exécution de ces agendas de développement résidera aussi dans la capacité du pays à faire une auto-évaluation critique devant lui permettre de se projeter vers l’avenir avec moins d’incertitude. Dans cette série, le journal INTEGRATION vous propose, pendant deux mois, des réflexions sur la marche des institutions au Cameroun avec des propositions claires pour un développement durable et inclusif.

Indicateurs sociaux de base: entre crainte et espoir…
En dépit de quelque avancées, l’accès de la population aux services sociaux de base tels que l’eau, le logement, l’électricité et l’alimentation reste encore un luxe pour la majeure partie de la population. En ce qui concerne l’accès à l’eau potable, en 2019, sur une population de près de 24 millions d’habitants, environ 9 millions de Camerounais n’ont pas toujours accès à un service d’eau potable. Le taux d’accès à l’eau potable au niveau national est estimé à 72,9 % en 2018. Ce taux était de 33% en 2010 selon la Banque africaine de développement (Bad).

En matière d’accès à l’électricité, en 2017, selon la Banque mondiale, au Cameroun, le taux global d’accès à l’électricité était de 61%. Le taux d’accès à l’énergie électrique est en nette évolution depuis 2010. Il est passé de 41% en 2000, à 53% en 2010 et à 59% en 2015. Toutefois, près de 10 millions de personnes vivent encore dans le noir. Les énergies renouvelables ne représentent que 5% du mix énergétique global.

Pour le logement, dans le cadre du DSCE, le gouvernement s’est fixé pour objectif de construire 17 000 logements sociaux et d’aménager 50 000 parcelles. En 2018, l’évaluation faisait état de ce que le nombre de logements construits s’élevait à 2 400. Soit un déficit de 14 600 par rapport à l’objectif fixé. Par ailleurs, il convient de relever que l’essentiel des 2 400 logements ne sont pas encore rendus opérationnels.

Pour l’alimentation, le taux de croissance annuel de la production agricole, qui est de 2 %, reste inférieur au taux de croissance démographique de 3% constatait le Programme alimentaire mondiale (PAM) en 2017. Selon le rapport 2019 sur «l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde», le pays comptait 17,1 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée entre 2016 et 2018, soit une prévalence de 71,2%, et 10,6 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire grave sur la période 2016-2018 pour une prévalence de 44,2 %.

En matière de santé publique, en 2017, l’espérance de vie à la naissance dans le pays était estimée à 58 ans (PNUD, 2018). Pour l’année 2015, la densité moyenne du personnel soignant était évaluée par l’OMS à 6 pour 10 000 habitants contre 14,1 infirmiers pour 10 000 habitants. Selon une étude réalisée en juin 2016 par l’équipe d’appui technique du Bureau international du travail (BIT) pour l’Afrique centrale, il y a moins de 2 % de la population camerounaise qui bénéficie d’une assurance maladie.

Bien qu’en nette progression, le développement des infrastructures routières piétine. Au premier trimestre 2019, l’ensemble des routes bitumées au Cameroun était évalué à 6859 km, ce qui reste très en deçà de l’objectif fixé à 9558 km par le DSCE. Toutefois, 1034,5 km de routes bitumées ont fait l’objet de réhabilitation sur la période 2010-2018.

Le logiciel de la gouvernance en panne…
La corruption demeure un phénomène endémique. Le pays est classé 152ème sur 180 pays avec un score de 25/100 selon le rapport sur l’indice de perception de corruption 2018, publié le 29 janvier 2019 par Transparency International. Selon cette ONG internationale, 71% de Camerounais sont convaincus que la corruption va se généraliser d’ici à 2050.

Le chômage est une équation difficile à résoudre. Le taux de sous-emploi global pour les personnes âgées de 15 ans et plus se situe à 77,6 % et le taux d’informalité est de 88,6 %. Le taux de sous-emploi global est passé de 71,1% en 2007 à 79,0% en 2014, soit une augmentation de 7,9 points. D’après l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le Cameroun figure en deuxième place des pays ayant le plus fort taux de travailleurs indépendants avec un indice de 76,8%, derrière la Somalie, le pays le plus pauvre au monde.

Sur la question de la sécurité et des libertés, outre les exactions de la secte islamiste Boko Haram et la crise dite anglophone qui a provoqué d’importantes pertes matérielles et humaines, le climat social est extrêmement fragile. Le pays a enregistré, 870 victimes d’homicides volontaires en 2015, dont 669 hommes et 201 femmes. De plus, 85 % d’enfants âgés de 1 à 14 ans ont subi des agressions psychologiques ou des châtiments corporels. En matière de liberté publique, dans son rapport 2017 sur la liberté de la presse, Freedom House classe le Cameroun comme « non libre ».

Les inégalités ne font que s’accentuer. Entre 2007 et 2014, la pauvreté a peu reculé, et les inégalités ont augmenté (FMI, 2018). La répartition inégale des fruits de la croissance a engendré une aggravation des inégalités de revenus avec un indice de Gini qui passe de 40,04% en 2011 à 44% en 2014, et un indice d’inégalité de genre se situant à 0,56, classant le Cameroun à la 141è position sur 160 pays. L’on note encore des obstacles à la pleine participation des femmes à l’économie et des disparités fortes entre les zones rurales et urbaines dans l’accès aux services sociaux de base. Selon le «rapport sur le développement humain» publié par le PNUD en décembre 2019, le pays enregistre un indice de développement humain ajusté aux inégalités de 0,392 en régression de -6 points comparativement aux années précédentes.

Conséquence, le taux de pauvreté global n’a que faiblement reculé, passant de 40,2 % en 2011 à 37,5 % en 2014, tandis que la part de la population pauvre a augmenté de 12 % entre 2007 et 2014, pour atteindre 8,1 millions d’habitants. Le seuil de pauvreté du pays ne s’est pas fondamentalement amélioré dans l’intervalle 2015-2018. Il est de 35,5%, très loin des 23% espérés par le pays en 2020 (projection Phase I du DSCE).

Lutter contre la pauvreté et les inégalités
Les estimations à partir du dernier recensement général de la population (2005) permettent de situer la population du Cameroun en 2018 à environ 24 millions d’habitants. Selon les projections de Word Populations Prospects, le Cameroun pourrait avoir une population estimée à 38,870 millions d’habitants à l’horizon 2035, avec les moins de 30 ans qui représenteront plus des deux tiers de la population totale. «Une forte proportion de cette population vit malheureusement en deçà du seuil de pauvreté, présentant même des poches d’aggravation des inégalités et des disparités selon le sexe du chef de ménage, en fonction de la région et le milieu résidentiel». C’est là que réside le grand enjeu et défi de développement du Cameroun pour les prochaines années. Le pays devrait œuvrer pour freiner et réduire le niveau de pauvreté et des inégalités. Pour y arriver, la création d’emplois décents avec un accent sur l’agriculture et le numérique, la lutte contre la corruption et l’augmentation des investissements dans le secteur social nous semblent capitale pour renverser la tendance actuelle.

Benjamin OMBE
Journaliste-Consultant en intelligence stratégique
Auteur : « le Cameroun en prospective: Evaluation critique des Objectifs du développement durable»,

Harmattan, septembre 2020, 243 P.SC/The Okwelians : https://www.theokwelians.com
Prochain article : Zlecaf : enjeux et défix pour l’économie camerounaise 

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