ART : Les bruits silencieux d’un décret

Panorama de ce qui change dans la gestion quotidienne de l’entreprise.

 

 

C’est officiel depuis le 3 décembre dernier : jadis classée parmi les établissements publics administratifs dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, l’ART porte désormais le statut d’«établissement public à caractère spécial, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière». Ce changement d’identité est contenu dans le décret N° 2020/727 du 03 décembre 2020 portant réorganisation et fonctionnement de l’institution. Dans son esprit et sa lettre, ce texte signé le 3 décembre 2020 abroge les dispositions contenues dans celui consacré par le décret N° 2012/203 du 20 avril 2012 portant (lui aussi) sur la réorganisation et le fonctionnement de l’ART. Dans le fond, le changement se lit au niveau des attributions de l’entreprise. On y voit notamment plus de pouvoir, plus d’avantages et de flexibilité dans l’exercice de ses missions de régulation, de contrôle, de suivi des activités de communications électroniques au Cameroun.

Comme dans le privé

Via le décret cité supra, Paul Biya vient de jeter de nouvelles bases sur la gestion de l’ART. «À bien comprendre la dénomination ‘’établissement public à caractère spécial’’, l’on peut envisager un nouveau code managérial qui s’inspire des dispositions de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique», entrevoit Maurice Ekani. Plus prosaïquement, l’avocat d’affaires basé à Yaoundé va dans le sens d’une gestion à laquelle s’appliquent les règles de la comptabilité privée. Là-dessus, l’article 40 du nouveau décret est clair : «les comptes de l’Agence sont tenus selon les règles du système comptable OHADA. Ils doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière». Toutefois, parce que ses ressources financières sont des deniers publics et sont gérées selon les règles prévues par le régime financier de l’État, l’ART n’est pas exonérée du contrôle des organes compétents de l’État.

« Émancipation »

Par contre, indique Marie Jankou, autre avocat d’affaires, le décret du 3 décembre dernier émancipe l’ART du Code des marchés publics, induisant du même coup plus de pouvoir au Conseil d’administration en matière de transparence. C’est du moins ce que croit comprendre la juriste à la lecture de l’article 53. «Le Conseil d’administration s’assure des règles de transparence, de concurrence, d’égalité de traitement des candidats et de juste prix. Une résolution du conseil d’administration précise les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Commission interne de passation des marchés, de désignation de ses membres et d’évaluation des offres», précisent les deux alinéas de l’article 53.

Plus fort

Jusqu’ici, l’ART était traînée en justice par certains opérateurs de téléphonie mobile exerçant leurs activités au Cameroun. Dorénavant, cet organisme étatique arbore la cuirasse de Léviathan. Désormais, en plus de ne plus être discutées, les sanctions de l’ART seront d’application immédiate.  «L’ART est désormais dotée d’ «une plus grande capacité de régulation, de contrôle, d’investigation, d’injonction, de coercition et de sanction», signale Maurice Ekani inspiré par les termes de l’article 6 du nouveau décret («elle peut  prononcer des sanctions à l’encontre des opérateurs et exploitants contrevenants. Lesdites sanctions constituent des titres exécutoires».

Au chapitre du recouvrement, l’ART bénéficie depuis le 3 décembre 2020 des prérogatives du privilège du Trésor. (Art.35). Le privilège du Trésor étant, selon les experts, une prérogative qui garantit le recouvrement de tous les impôts, droits, taxes et pénalités relevant de la compétence de la direction générale des impôts.   Et ce privilège du Trésor porterait sur tous les biens meubles et effets mobiliers du contribuable à quelque lieu qu’ils se trouvent.

Ongoung Zong Bella

 

Des coudées franches pour le DG

S’il y en a un qui se frotte les mains au lendemain du décret de Paul Biya, c’est bien Philémon Zoo Zame.

 

Des batailles entre Philémon Zoo Zame et Hessana Mahamat d’abord, puis avec le Pr Justine Diffo. À l’ART, la chronique du leadership s’est écrite ces derniers mois en lettres dramatiques. Conscient que cela était le résultat d’une règlementation tatillonne, Paul Biya a tranché le 3 décembre 2020. Plutôt que de renverser toute la table, le chef de l’État a pensé donner à Philémon Zoo Zame une bonne palette de pouvoirs. Selon plusieurs lignes de l’article 28 de son décret, le président de la République précise que «le directeur général est chargé de la gestion et de l’application de la politique générale de l’Agence». C’est aussi lui qui est chargé de «soumettre à l’adoption du Conseil d’administration, les projets de plan d’organisation de l’Agence, de règlement intérieur, des statuts du personnel, de la grille des rémunérations et avantages du personnel».

Bien plus, il «prépare le plan d’investissement, les rapports d’activités, ainsi que les comptes et les états financiers qu’il soumet au Conseil d’administration pour approbation et arrêt; note et licencie le personnel sous réserve des pouvoirs du Conseil d’administration; recrute le personnel, conformément au plan de recrutement approuvé par le Conseil d’administration ; propose au Conseil d’administration de nommer et de démettre de leurs fonctions, les représentants de l’Agence aux assemblées générales et aux Conseils d’administration d’autres entreprises ; prend, dans les cas d’urgence, toute mesure conservatoire nécessaire à la bonne marche de l’Agence, à charge pour lui d’en rendre compte au Conseil d’administration ; procède aux achats, de passer et de signer les marchés, contrats et conventions, en assurer l’exécution et le contrôle dans le strict respect du budget, et conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur».

JRMA

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