ACTUALITÉINTÉGRATION NATIONALE

Cancer du col de l’utérus : La polémique vaccine le Gardasil

Des voix continuent de s’élever contre l’administration du produit aux jeunes filles. Le gouvernement interpelé pour la révision de sa communication.

La question est claire: y a-t-il un risque à administrer le Gardasil aux gamines de 9 à 13 ans pour prévenir chez elles des lésions du col de l’utérus? La réponse de Mgr Abraham Komé, président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (CENC), est simple: «Nous avons des doutes et nous partons d’un principe logique: en cas de doute il faut s’abstenir. Nous pensons que des études doivent être plus approfondies». Le 6 novembre dernier, au sortir de la 45e assemblée plénière des évêques du Cameroun, le prélat a émis un préalable tout en nuance. «Le comité d’éthique doit se prononcer (…) Il faut que ce soit bien clair: nous ne sommes pas là contre la vaccination (…) Mais pour ce vaccin-là, nous avons accueilli, venant de la base, et de façon très récurrente, des angoisses, des crispations et des récriminations de nos populations», a-t-il déclaré devant la presse à Yaoundé.

Onction
Dans la forme comme dans le fond, cette sortie médiatique est venue donner son onction aux directives de Mgrs Dieudonné Espoir Atangana et Luc Onambelé, respectivement évêque du diocèse de Nkongsamba et vicaire du diocèse d’Obala. Dans une lettre signée le 5 novembre 2020, le premier martelait: «je viens par la présente, de façon formelle, vous demander de vous garder de soumettre nos enfants à ce vaccin en attendant que les évêques du Cameroun puissent donner leur accord de façon claire et officielle». Le 19 octobre dernier, le second (par ailleurs médecin) déployait un sermon identique à l’échelle de son giron sacerdotal.

Dans cette brèche anti-vaccin, le Gardasil s’est également greffé aux prêches dans les milieux musulmans. «Nous, musulmans pour la coopération et le développement (MCD), de façon formelle et ouverte, demandons aux musulmans de ne pas soumettre nos enfants de 9 à 13 ans à ce vaccin cible de naissance pour la prospérité», peut-on lire dans le communiqué signé le 5 novembre 2020 par le secrétaire exécutif du MCD, Alihou Soule.

Quelques jours auparavant, en posture de pro-Gardasil, Guy Sandjon, président en exercice de l’Ordre national des médecins du Cameroun (ONMC), scandait qu’aucun vaccin «n’a été créé avec pour objectif de stériliser la population de femmes ou pour éradiquer une race de la surface de la Terre».

«Injection»
«La vague contestataire montre qu’il est lointain aujourd’hui le temps où les décisions concernant la médecine et la santé ne souffraient d’aucune réticence», relève Pr Géneviève Owona. «Des autorités défiées, des experts ignorés, sans doute, dans ses plans, le gouvernement n’avait pas envisagé un tel scénario», commente la sociologue de la santé. En effet, en introduisant, le 5 octobre 2020, le Gardasil dans le Programme élargi de vaccination (PEV), comme vaccin contre le cancer du col de l’utérus et les autres infections génitales liées aux papillomavirus, l’offensive est plus rude.

Ayant côtoyé les équipes du ministère de la Santé publique (Minsanté), Pr Géneviève Owona fait le procès de la communication autour du vaccin contre le cancer du col de l’utérus au Cameroun. «L’affaire, explique-t-elle, trop rapidement interprétée en termes de déni, a échappé à la compréhension des analystes qui se voient réduits, de leur propre aveu, à d’insatisfaisantes conjectures, souvent brouillées par des jugements passionnels ou des réflexes partisans. S’il est vrai que les enjeux en sont complexes, leur intelligibilité passe par un réexamen de la situation à partir, non plus d’inaccessibles subjectivités, qu’elles soient collectives ou individuelles, mais plus banalement, sur la base des réalités sociales du pays».

Jean-René Meva’a Amougou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *