75e Assemblée générale de l’ONU : L’Afrique centrale propose les mesures d’un pacte mondial de résilience et de relance

Neuf chefs d’État et deux ministres des Affaires étrangères de la CEEAC ont présenté leurs solutions d’une sortie des crises qui secouent le monde.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC lors d’un Sommet.

Aucune résilience, aucune relance économique ne se fera au détriment d’une région du monde. Aucune résilience, aucune relance économique post Covid-19 ne doit se faire en concurrence à d’autres peuples. C’est le postulat que les voix les plus autorisées de l’Afrique centrale ont exposé à l’Assemblée générale de l’Organisation Nations unies (ONU). Une session 2020 qui marque le 75e anniversaire de l’organisation internationale, créée en 1945.

Face aux ravages de la crise, «nous avons les outils pour répondre à ce test et triompher», affirme Paul Kagame, président de la République du Rwanda.

Ali Bongo Ondimba, président de la République gabonaise, président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), pointe du doigt la régulation des relations économiques internationales. «Les Nations unies qu’il nous faut sont aussi tributaires d’une redéfinition des missions assignées aux institutions de Bretton Woods afin d’en faire de véritables moteurs de développement et de la croissance mondiale».

Il plaide pour «la stabilisation des cours des matières premières qui sont soumises à une spéculation excessive. Cette spéculation est source d’instabilité difficilement compatible avec la prévisibilité des ressources mobilisables dont nos pays ont tant besoin pour la réalisation de leurs objectifs de développement». Ainsi, les institutions de Bretton Woods devraient agir pour «rétribuer les pays qui disposent des matières premières au juste prix de leur ressource naturelle».

Saluant l’action du G20 en faveur du gel du paiement de la dette, Félix Tshisékedi Tshilombo, chef de l’État de la République démocratique du Congo, exhorte ces institutions à agir pour «l’annulation et autres allègements du fardeau de la dette». Bien plus, «toutes ces mesures de soutien ou de financement supplémentaire des pays en développement ne devraient être liées à aucune conditionnalité et ne devraient pas non plus imposer d’entreprendre certaines réformes de politiques économiques telles que des mesures d’austérité», suggère-t-il.

Multilatéralisme
Les répercussions de la pandémie mondiale du coronavirus n’ont épargné aucune nation. Pareillement, les conséquences, même les plus insoupçonnées, seront également communes. Cela démontre de «l’interdépendance du monde face aux menaces contre la chaine de l’humanité dont chacun en est le maillon», a affirmé Ali Bongo Ondimba, président de la République gabonaise, président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

Pour lui, «une nation prise individuellement ne saurait se mettre à l’abri des chocs sanitaires, des dérèglements climatiques, des tensions liées à la concurrence des échanges commerciaux, à la montée des inégalités, à la multiplication des attentats terroristes et à la multiplication actes de criminalité transnationale».

Pour Félix Tshisékedi Tshilombo, chef de l’État de la République démocratique du Congo, «la pandémie nous a montré qu’il n’existe qu’une planète, qu’une santé et que nos sorts sont liés». C’est «la leçon principale que la Covid-19 nous a tragiquement administrée. Une véritable profession de foi en faveur du multilatéralisme».

Pour Paul Biya, chef de l’État du Cameroun, président en exercice de la Conférence des chefs d’État de la Cemac, «qu’on le veuille ou non, le multilatéralisme s’impose à l’esprit. Le nationalisme peut parfois séduire, mais on doit reconnaitre que les problèmes de notre temps sont pour la plupart de nature transnationale. Les exemples ne manquent pas».

Bobo Ousmanou

Embargo des États-Unis contre Cuba

L’Afrique centrale relève l’injustice

Quatre pays de la région ont prononcé lors de l’Assemblée générale de l’ONU un plaidoyer sur l’incongruité du maintien du blocus contre le pays de Fidel Castro.

Pour l’Afrique centrale, le maintien de l’embargo sur Cuba traduit deux choses: d’une part, il est le visage d’un concert des nations qui doit se réinventer et, d’autre part, c’est le symbole vivant de ce que les déclarations de respect du droit international et de la Charte de l’ONU n’engagent que ceux qui y croient.

En effet, en 2009, l’Assemblée générale des Nations unies a condamné cet embargo pour la 18e fois. Mais les États-Unis d’Amérique réussissent à le maintenir depuis le 3 février 1962. Pour le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, la perpétuation de cette injustice traduit l’impuissance de la plus grande et unique organisation planétaire. Il indique: «l’avenir que nous voulons et l’ONU qu’il nous faut resteront des vœux pieux tant que de nombreux peuples et des êtres humains demeureront en proie au fardeau des sanctions iniques et souvent injustes. Je voudrais à cet égard réitérer l’appel solennel en faveur de la levée de l’embargo qui frappe Cuba depuis plusieurs décennies pour permettre à ce pays de réaliser les objectifs de développement durable».

Et si on en arrive à une telle levée de boucliers des pays d’Afrique centrale, c’est parce qu’aux petits pays, il est toujours rappelé avec dissuasions que le respect de la Charte des Nations unies est la voie du salut. Denis Sassou Nguesso estime que ces «sanctions unilatérales» n’ont plus droit de cité. Car, «en conformité avec la Charte des Nations unies», la «situation de la République de Cuba ne saurait se poursuivre davantage».

Au moment où la crise liée à la pandémie mondiale de coronavirus met le monde à genoux, le plaidoyer de l’Afrique centrale est de permettre à Cuba de résister à armes égales. D’où l’interpellation de Teodoro Obiang Nguema Mbatsogo: «la Guinée Équatoriale demande la levée du blocus économique, financier et commercial contre Cuba afin que ce pays puisse réaliser son grand potentiel et répondre aux besoins de son peuple».

Evaristo do Espirito Santo Carvalho, président de la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe, a joué sur la même fibre dans son adresse à la 75e Assemblée générale de l’ONU. De son avis, «l’embargo économique, commercial et financier imposé à Cuba depuis de nombreuses années continue d’être l’une des autres grandes sources de préoccupations. C’est pourquoi Sao Tomé demande à nouveau la levée de ces sanctions afin que Cuba puisse faire face aux difficultés économiques et contraintes que lui imposent ces sanctions injustes. Ce qui permettrait à ce pays de mieux saisir les occasions de procéder à des échanges commerciaux sur un même pied d’égalité que d’autres États membres de notre organisation».

Cuba a été au chevet de l’Europe au plus fort de la pandémie de Covid-19. Plusieurs médecins cubains ont prêté main forte à plusieurs pays de l’Union européenne dont la France et l’Italie. Un symbole historique très fort.

Pourtant, en 2014, soit 6 ans aujourd’hui, les pertes économiques directes de l’embargo se chiffraient à 116 milliards de dollars, soit l’équivalent de 64 949 milliards 163 millions 561mille 996 francs CFA (99 milliards 014 millions 282 mille 075 d’euros).

Bobo Ousmanou

75e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) 

Extraits des adresses des chefs d’État de la CEEAC à la tribune des Nations unies

 

Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo, 24 septembre 2020

«La République du Congo est préoccupée par la recrudescence du terrorisme et de l’extrémisme violent, ainsi que par la prédominance des conflits armés dans le monde. Il en est ainsi de la crise libyenne dont les ramifications affectent de plus en plus les États du Sahel. L’Est de la RDC reste toujours sous la menace de groupes armés. Dans le même registre, la République centrafricaine, qui se prépare à une élection présidentielle en décembre 2020, affiche une situation rendue instable par l’activisme meurtrier des bandes armées. De son côté, la Syrie est toujours confrontée, depuis 2011, à une guerre civile aux conséquences dévastatrices. Les relations israélo-palestiniennes restent tendues en dépit des résolutions pertinentes des Nations unies prônant la création de deux États indépendants. Par ailleurs, la situation de la République de Cuba appelle la levée des sanctions unilatérales, en conformité avec la Charte des Nations unies. Enfin, le 75e anniversaire de l’ONU coïncide avec celui du premier essai nucléaire. L’humanité se devrait à jamais de proscrire l’usage de l’arme nucléaire».

 

Évariste Ndayishimiye, président de la République du Burundi, 24 septembre 2020


«S’agissant de la Covid-19, la pandémie a fait paraître les fragilités du monde actuel et mis en lumière les défis béants dans les efforts de développement national et mondial tels que les niveaux élevés de pauvreté et d’inégalité, des changements climatiques galopants et une discrimination persistante à l’égard des personnes âgées, des communautés pauvres, des femmes et des filles qui sont autant de facteurs d’érosion de la cohésion sociale. Tous ces défis ne peuvent être relevés qu’à travers la solidarité internationale, la coopération et la promotion du multilatéralisme basé sur les règles du droit international.

En ce qui concerne la présence du Burundi à l’agenda du Conseil de sécurité, nous n’avons jamais cessé de le dire. Le Burundi se retrouve arbitrairement sur l’agenda du Conseil de sécurité pour des raisons politiques et des intérêts égoïstes de certaines puissances. Nous réitérons donc notre appel légitime au retrait immédiat du Burundi de l’agenda du Conseil de paix et de sécurité, et d’utiliser son temps précieux pour traiter du développement socioéconomique».

 

João Manuel Gonçalves Lourenço, président de la République d’Angola, 22 septembre 2020


«Le G20 a lancé une initiative collective en vue d’alléger la dette des pays en développement. Nous pensons qu’il est fondamental d’investir directement dans les économies des pays en développement. Nous pensons que cet élément de l’équation qu’est le développement et la croissance économique au sortir de cette crise. Cet objectif pourra être atteint si les pays en développement sont en mesure de mobiliser des fonds qui seront investis en Afrique. Ces fonds pourront être utilisés par des investisseurs, désireux eux-mêmes d’investir en Afrique pour y produire des biens et des services pour une consommation locale et l’exportation. La pandémie de Covid-19 a prouvé que lorsque nous agissons ensemble, les responsabilités peuvent être partagées de manière plus équitable, et les résultats au final sont plus satisfaisants. Ceci est conforme à l’idée selon laquelle le multilatéralisme devrait toujours être présent dans toute mesure prise pour faire face aux urgences au niveau international».

 

Idriss Deby Itno, président de la République du Tchad, 25 septembre 2020


«Dans ce contexte, nous soulignons une fois de plus que la responsabilité de la lutte contre le terrorisme au Sahel et au Lac Tchad est également mondiale. Car le combat que nous menons participe des efforts globaux pour la paix et la sécurité mondiales. C’est pourquoi nous renouvelons notre appel à la Communauté internationale pour des appuis plus accrus et soutenus à la Force multinationale mixte dans le Bassin du Lac Tchad et à la force conjointe du G5 Sahel mises en place par les pays de la région pour la lutte contre Boko Haram et les groupes djihadistes au Sahel.

Si la situation au Sahel ne s’améliore pas malgré la multiplication des initiatives et des annonces des partenaires, l’une des principales raisons réside dans la non-concrétisation des promesses faites en faveur de la force conjointe du G5 Sahel et du programme d’investissement prioritaire du G5 Sahel. À cela s’ajoute le faible niveau de synergie entre les différentes initiatives et forces présentes au Sahel. C’est pourquoi nous considérons qu’il est temps de passer de la parole aux actes au Sahel pour la matérialisation des contributions promises et la mobilisation des ressources additionnelles pour rendre pleinement opérationnelle la force conjointe et la mise en œuvre des projets de développement du programme d’investissement prioritaire du G5 Sahel».

 

Evaristo do Espirito Santo Carvalho, président de la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe, 24 septembre 2020


«Notre terre subit les effets désastreux de la pandémie à Covid-19. Pandémie engendrée par le nouveau coronavirus qui a des conséquences incalculables à la fois pour notre santé et sur le plan socioéconomique. Étant donné le taux de mortalité de la maladie et ses effets dévastateurs, et étant donné encore sa vitesse de propagation, nous devons continuer d’utiliser les mécanismes que le multilatéralisme nous donne, et par la solidarité internationale, intensifier notre combat contre la maladie, éviter les pertes en vies humaines et relancer le développement économique dans nos pays. Nous en profitons pour exprimer notre reconnaissance étant donné la vague de solidarité bilatérale et multilatérale qu’a bénéficié São Tomé et Príncipe. Nous sommes profondément reconnaissants envers la communauté internationale. Cependant, compte tenu des effets dévastateurs de la pandémie à Covid-19 sur les économies les plus fragiles, au nombre desquelles figure São Tomé et Príncipe, petit État insulaire. Étant donné ces effets, nous rappelons notre appel à la poursuite de l’esprit de solidarité et de l’appui en faveur d’une relance économique post Covid-19. Une relance qui ne se fera pas sans difficulté».

 

Paul Biya, président de la République du Cameroun, président de la Conférence des chefs d’État de la Cemac, 29 septembre 2020


«Le Cameroun souhaite que, dans ce monde globalisé, une attention particulière soit portée à la manipulation de l’opinion publique, et de manière singulière à la dissémination de fausses informations par les réseaux sociaux. Celles-ci, de plus en plus, constituent des menaces réelles pour la paix.

Le maintien de la paix et de la sécurité exige également que les Nations unies se saisissent de manière déterminante de la problématique des changements climatiques qui ont un impact sur la sécurité. Pourtant, certains en nient la réalité, bien que la multiplication des catastrophes naturelles nous la rappelle aisément. II est évident que l’évolution du climat représente une menace sérieuse pour la vie humaine. C’est pourquoi des mesures urgentes doivent être prises pour assurer l’avenir de l’humanité et reconnaitre à celle-ci le droit de vivre dans un environnement sain».

 

La réforme en chorus

Les orateurs de la sous-région à cette 75e Assemblée générale ont pointé du doigt la déconnexion des institutions de l’organisation mondiale ostentatoirement aggravée par la crise sanitaire liée à la pandémie du coronavirus.

 

Félix Tshisekedi de la République démocratique du Congo, João Lourenço de l’Angola, Obiang Nguema Mbatsogo de Guinée Équatoriale ou encore Ali Bongo Ondimba ont fait ressortir l’urgence d’une revue des interventions de l’Organisation des Nations unies. Pour Ali Bongo, président en exercice de la CEEAC, le coronavirus a démontré l’interdépendance des nations même face aux dangers. Pourtant l’ONU, ses institutions et agences n’ont pas réussi à traduire ce fait en actes concrets. Il prend en exemple la course effrénée contre le vaccin anti-Covid. Et les procès faits à l’OMS, qui n’a pas voulu favoriser certaines firmes pharmaceutiques des puissances occidentales dans la guerre géostratégique et géoéconomique autour du Covid-19.

C’est le signe que l’ONU mérite un toilettage qui, selon Ali Bongo et tous les chefs d’État d’Afrique centrale, passe par «la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU qui intègre une représentation équitable en son sein et une amélioration de ses méthodes de travail. Mais aussi la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale ainsi que la réforme du Conseil économique et social de l’ONU».

Position africaine
Pour y arriver, tous les chefs d’État ont attaché du prix à l’adoption de la formule proposée par le continent africain au travers du consensus d’Ezulwini. Celui-ci stipule que «la pleine représentation de l’Afrique au Conseil de sécurité signifie: au moins deux sièges permanents avec tous les privilèges et prérogatives des membres permanents y compris le droit de véto; cinq sièges non permanents». Pour ce qui est du choix, le consensus est clair: «l’Union africaine sera responsable de la sélection des représentants de l’Afrique au Conseil de sécurité».

Bobo Ousmanou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *