Mali : le calendrier clé en main de la CEDEAO

C’est finalement une affaire d’importation de solutions à la crise qui se joue entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et la junte militaire au pouvoir à Bamako (Mali). Le sommet du 7 septembre dernier a, une fois de plus, été le marqueur d’un déni de solutions endogènes à la situation politique malienne.

Le Mali est un pays particulier (comme tous les autres). Mais cette singularité doit être reconnue et prise en compte dans la résolution des crises comme celle en cours. Visiblement, les chefs d’État de la Cedeao n’en perçoivent pas la pertinence.
Culturellement, le rapport à la souveraineté du peuple est ancien au Mali. Dès le moyen âge africain, entre les années 1200 et 1400 (XIIIe et XVe siècles), le royaume du Mali appliquait déjà des actions de redevabilité (accountability) et d’expression des avis du peuple sur la gestion de la cité. Dans les gènes de ce peuple, il existe une détermination particulière à se faire entendre par les dirigeants lorsque le politique devient sourd.

Du point de vue sécuritaire, l’inclusion (sociale et spatiale) demeure un défi. La stabilité n’a toujours pas été retrouvée depuis 2013. La moindre précipitation sur un ordre politique déséquilibré, qui n’est pas pleinement légitimé par la volonté de l’ensemble des parties prenantes (classe politique, société civile, militaires, indépendantistes), serait une étincelle dévastatrice pour l’ensemble de la région.

Passage en force
C’est la résolution numéro 16 du communiqué final ayant sanctionné les travaux en présentiel, lors de cette 57e session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao. Elle s’est tenue à Niamey au Niger.

Pour les Chefs d’État, il y a lieu de rétablir «l’ordre constitutionnel dans ce pays, avec une transition politique dirigée par un président et un Premier ministre civils pour une période de douze (12) mois».

En d’autres termes, les dirigeants devant conduire l’intérim auront une année civile pour l’organisation des élections générales dans le pays. Cette consultation populaire conduira à la désignation d’un président de la République élu, d’un parlement élu et, par ricochet, d’un gouvernement désigné par le nouvel exécutif.

Fast and Furious
Au moment où les discussions sont des plus âpres au Mali avec le nouvel ordre dirigeant (militaires) organisé au sein du Conseil national de salut du peuple (CNSP), les chefs d’État de la Cedeao choisissent d’accélérer le mouvement. En effet, ils offrent huit (8) jours à l’ensemble de la classe politique malienne afin que soient désignés le Président et le Premier ministre de transition. Le communiqué final indique: «la conférence demande que le Président et le Premier ministre de la transition, tous deux civils, soient désignés au plus tard le 15 septembre 2020». Au moment de la rédaction de cet article, le compteur affiche quelque 4 jours et heures. Autrement dit, presque pas de place à la tergiversation et donc à la discussion, aux négociations, aux concertations.

Fondamental
En ne visant que la face visible de l’iceberg, l’essentiel des mesures s’éloigne du centre de gravité ayant conduit au renversement de l’ordre constitutionnel. Les conditions de vies des populations maliennes et la gouvernance sont une fois de plus sacrifiées sur l’autel du tout politique.

Dans cette volonté d’asphyxie de la junte militaire, les sanctions décidées le 20 août restent en vigueur. Le Mali, pays sans littoral, est coupé de ses fournisseurs en denrées alimentaires et sanitaires. La conjoncture marquée par la pandémie mondiale à coronavirus et le regain de diffusion du virus est une autre inconnue.

 

Rémy Biniou

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