Le moratoire de toutes les espérances

L’idée a finalement fait son chemin. Le moratoire de suspension des services de la dette devrait être prolongé au-delà du 31 décembre 2020.

Pour beaucoup, ce délai sera officialisé soit par le G20, soit durant les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Cette opération pourrait détendre un peu les tensions financières des pays africains. Le coronavirus a assombri toutes les perspectives des États. Sur ce dossier, la France garde la main sur le leadership. La position de la France sur le sujet est déjà connue, en tant que secrétaire du Club de Paris. Le pays d’Emmanuel Macron défend une extension générale du moratoire, suivie par une renégociation de la dette pour les pays qui en auront le plus besoin. Tout est encore en discussion, et sera notamment débattu lors de la prochaine réunion du G20 dans quelques jours (mi-septembre), et durant les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale [du 16 au 18 octobre].

À ce jour, 28 pays, dont 20 en Afrique subsaharienne, bénéficient de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) mise en place par le Club de Paris, pour un montant cumulé de 2,1 milliards de dollars, et 11 autres dossiers sont encore en cours de traitement, a indiqué, le 1er septembre, la secrétaire du Club, Odile Renaud-Basso, directrice du Trésor français.

Relance économique
Aucune relance économique ne se fera sans passe-droit macroéconomique. Il faudra sûrement accepter de creuser les déficits pour avoir un élan susceptible de trouver la ressource à même de financer le choc d’activités nécessaires. Les pays fortunés tels que ceux de l’Union européenne ont opté pour le rachat de dette par la Banque centrale européenne afin de tenter de réaliser une relance énergique. Cela s’accompagne avec une suspension du pacte de sécurité budgétaire. On note qu’avec 750 milliards d’euros, l’UE reste moins ambitieuse que les pays d’Asie et les États-Unis d’Amérique qui ont des plans massifs. En effet, les circonstances sont telles que vous allez devoir emprunter de l’argent pour faire face à des dépenses qui sont exceptionnelles. Et afin que cet emprunt sur les marchés financiers ne pèse pas sur l’avenir et n’invite pas à augmenter les impôts, la banque centrale s’engage à racheter quasiment l’intégralité de cette dette.

La prolongation de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) décidée par le G20 et mise en place par le Club de Paris donne de l’espace budgétaire, de quoi financer les dépenses supplémentaires du Covid-19 et des plans de relances. La Banque africaine de développement (BAD) vient également d’être invitée à mettre en place, elle aussi, des mesures en vue de l’ISSD au bénéfice des pays africains.

La relance économique est plus nécessaire et difficile, car les activités doivent repartir avec vigueur alors que le virus continue d’être diffusé. Si la relance économique s’accompagne d’une relance de la contamination, il faudra donc s’attendre à une explosion des dépenses de santé (qui sont exclusivement à la charge des États). Dilemme du prisonnier!

Honneur à l’Afrique
L’honneur de l’Afrique c’est d’avoir mené une diplomatie continentale qui a poussé à rendre cette idée matérielle. Au niveau de l’Union africaine, les réunions quasi hebdomadaires du Bureau de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, à laquelle prennent part les présidents en exercice des CER, ont permis à l’Afrique de saisir de larges soutiens y compris dans la finance privée. Des organisations comme la Cemac s’y emploient également à échelle inférieure avec une importance nécessaire.
Une Afrique crédible à saluer, et ce n’est pas Lionel Zinsou qui dirait le contraire. L’économiste vient de vanter la mobilisation du continent. C’est une Afrique qui a éloigné le spectre du défaut de paiement. Plusieurs pays africains ont continué d’honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs créanciers internationaux privés malgré la Covid-19 et ses conséquences sur les économies. Au moment où le moratoire entrait en vigueur, entre mai et juillet, l’Éthiopie, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun ont soit respecté les obligations sur les échéances de leurs eurobonds, soit effectué des paiements aux créanciers du secteur privé.
God save Africa!

Rémy Biniou

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