Choc récessif de la crise sanitaire : Le rôle pivot de la Cemac dans la corésilience

La mobilisation rapide et les bons offices du système communautaire, chapeautés par son exécutif, ont permis l’édition de la stratégie de Brazzaville, le tiédissement de la pression sur la dette extérieure et la levée des appuis budgétaires chez les partenaires financiers.

Le pacte de résilience de Brazzaville est un garrot inestimable pour les économies de la sous-région

Le deuxième trimestre de cette année 2020 n’aura pas été de tout repos pour le système Cemac. La crise sanitaire a de nouveau exposé les pays de la sous-région à un triple choc: économique (prix des matières premières, baisse des recettes budgétaires, des échanges commerciaux internationaux et de l’investissement), sanitaire (multiplication des infections, prise en charge des malades, hausse des dépenses de santé) et sécuritaire (augmentation des actes de piraterie maritime et pillage par les terroristes à la recherche de subsides).

Et même si le pire est derrière nous, le retour à l’équilibre et la reprise des perspectives économiques positives revêtent le statut d’un des douze travaux d’hercule. «L’environnement économique sous régional actuel est certes instable, mais encore sous contrôle» affirme Antoine Ngakegni, directeur général de l’Économie de la République du Congo et président de la cellule de suivi du Programme de réformes économiques et financières de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Pref-Cemac). Ouvrant, le 22 juillet 2020, les travaux de la 11e session de la cellule de suivi en prélude à la 11e session ordinaire du Comité de pilotage (Copil) du Pref-Cemac prévu par visioconférence ce 31 juillet, Antoine Ngakegni offre laconiquement en rhétorique le résultat des actions de résilience aux répercussions économiques et financières de la crise sanitaire liée à la pandémie mondiale du coronavirus.

Il est commun de souligner la mobilisation rapide des pays africains comme vecteur de leur «bonne maitrise» de la diffusion du virus et du traitement des malades. La Cemac s’inscrit dans cette optique. Dès février, la commission Cemac a réuni les experts nationaux et communautaires de la santé pour la formulation d’un plan de riposte sanitaire. Face au cataclysme économique, marqué par une récession de 8% selon les prévisions préliminaires de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) en mars, le Comité de pilotage du Pref-Cemac a réuni les ministres de l’Économie et des Finances en session extraordinaire à Brazzaville (Congo) le 28 mars 2020.

Manifestation
En vue de la rationalisation de la gestion des finances publiques dans un contexte de lutte contre la Covid-19 et en conformité avec la stratégie de résilience aux incidences économiques et financières de la crise sanitaire, le Cameroun, le Congo, le Gabon et le Tchad ont pris des lois de Finances rectificatives pour faire face à la pandémie. Cette loi est en préparation en RCA. Aligner la gestion des finances publiques sur des prévisions actualisées et réalistes des recettes budgétaires et des dépenses publiques, tel que retenu au niveau communautaire et exécuté par les États, s’inscrit dans l’ultime et salvateur objectif de renforcer les moyens de lutte contre la propagation de la pandémie du coronavirus, tout en garantissant le service de la dette.

Il ne pouvait en être autrement pour les États membres de la Cemac. Le rapport du secrétariat permanent du Pref-Cemac sur les incidences économiques et financières du Covid-19 sur les économies est sans appel: au regard des «risques qu’un retard dans l’ajustement des dépenses publiques, voire un non ajustement de ces dépenses, ferait peser sur la stabilité extérieure de la monnaie et sur la stabilité financière, les pays devraient envisager sans délai de rationaliser leurs dépenses et intensifier les efforts en vue de mobiliser des appuis conséquents auprès de la communauté internationale, pour faire face aux effets de la crise du Covid-19.

Ces moyens financiers incluraient le recours aux facilités d’urgence mises en place par la Banque mondiale, le FMI et probablement la Bad, pour venir en aide aux Etats dont les économies seraient fragilisées par la crise du Covid-19».
Avec des hypothèses budgétaires fixant le prix du baril de pétrole à 54,5 dollars US au moins et la chute de ce prix à moins de 30 dollars, les pays de la Cemac couraient le risque d’un défaut de paiement et de restructuration de leur dette extérieure. Dans un contexte d’instabilité politique, de sécurité volatile et de dépendance aux matières premières, l’impact négatif du coronavirus sur la fragilité des populations est une source d’inquiétude en termes de pertes d’emplois, ralentissement des activités génératrices de revenus, augmentation de la pauvreté et des inégalités. La Cemac a mis en branle des missions de bons offices auprès des partenaires au développement afin de soutenir leur riposte et leur résilience.

Bons offices
La commission de Cemac et le secrétariat permanent du Programme de réformes économiques et financières ont multiplié les plaidoyers auprès des institutions financières internationales et régionales telles que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (Bad). Le 23 juillet 2020, une réunion tripartite État (réunis au sein de l’Union monétaire de l’Afrique centrale), institutions de la Cemac, FMI a eu lieu par visioconférence. Au regard de l’aggravation des déficits budgétaires des États avec la survenue de la pandémie de coronavirus, le Pr Daniel Ona Ondo, président de la commission de la Cemac, a plaidé pour l’extension du moratoire sur le service de la dette et pour une meilleure prise en compte des réalités socioéconomiques que traversent actuellement les pays de la zone Cemac.

C’est le cas de l’introduction du Gabon et de la Guinée Équatoriale dans l’initiative du G20 sur la suspension de la dette. Les deux pays n’en bénéficient pas, car n’étant pas considérés comme des pays pauvres (IDA). Ils ont un revenu par habitant très élevé par rapport au ratio retenu. En sollicitant que les réalités socioéconomiques soient prises en compte, la Cemac plaide pour une réforme des critères de classification des institutions de Bretton Woods. En soi, c’est presque une révolution que veut créer la Cemac.

La première tripartite s’était tenue par visioconférence le 30 avril 2020. Les pays de la Cemac ont clairement sollicité l’appui du FMI et de la Banque mondiale pour sauvegarder la stabilité de la parité monétaire. À titre d’illustration, au 22 avril, le conseil d’administration du FMI avait approuvé et décaissé 271 milliards FCFA au bénéfice des 4 pays ayant achevé leur programme d’ajustement budgétaire avec le FMI. Cet appui visait à surmonter les difficultés des balances des paiements et de soutenir une certaine viabilité budgétaire. La Banque mondiale avait, elle aussi, déjà disponibilisé 21,5 milliards FCFA au bénéfice de 4 pays pour le renforcement des systèmes sanitaires. Ces financements extérieurs ont d’ailleurs eu un effet positif, car les réserves de change représentaient 5,7 mois d’importations des biens et services en fin mai 2020, contre 3,27 mois en fin décembre 2019.

Au terme des approbations par le conseil d’administration, la Bad va cumulativement mettre à la disposition de la sous-région la somme de 24 999 144 255FCFA. Ce montant intègre les deux appuis budgétaires: la riposte sanitaire et la résilience économique (6 milliards FCFA), financière et sociale (voir tableau).

La mission des bons offices de la commission de la Cemac s’est également investie pour la négociation collective de l’annulation et/ou du rééchelonnement de l’ensemble des dettes extérieures des pays de la Cemac, assurément le morceau le plus difficile à croquer. Il s’agit d’une recommandation de la 3e session extraordinaire du Copil Pref-Cemac, tenu le 28 mars 2020 à Brazzaville (Congo). Dès le 5 avril 2020, des correspondances officielles ont été adressées aux chefs d’État et/ou Premiers ministres des principales puissances telles que les États-Unis, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Chine, la Russie, l’Inde, le Japon. Sur ce sujet, le secrétariat permanent indique que l’action est toujours en cours.

Cette option constitue d’ailleurs l’une des plus grandes avancées de l’action collective des pays de la Cemac. Elle s’accompagne d’une autre évolution importante de l’intégration économique qui est l’adoption par les États d’une approche régionale dans les négociations des programmes avec le FMI et des accords avec la Banque mondiale et les autres partenaires internationaux. Le sommet extraordinaire de novembre 2019 avait consacré le passage à des programmes de deuxième génération qui seront davantage axés sur la croissance et le développement plutôt que sur l’ajustement budgétaire et la stabilisation financière. Le dossier suit son cours. Une concertation préalable entre les États membres en vue de définir les principes généraux relatifs aux nouveaux accords à conclure avec ces partenaires devrait se tenir.

L’un des indices de la tenue de cette réunion de très haut niveau est l’audience accordée par le président de la Conférence des chefs d’État de la Cemac et président de la République du Cameroun, Paul Biya, avec l’émissaire du président dédié au Programme des réformes économiques et financières, le président Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo. Gilbert Ondongo, président du Comité de pilotage du Pref-Cemac, ministre d’État, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Portefeuille public a été reçu au Palais de l’unité le 2 juillet 2020. À sa sortie d’audience, au perron, il confie à la presse présente: «il est question de la crise sanitaire avec ses conséquences sur le plan économique. Le président dédié aux réformes économiques et financières a voulu me faire porter un message sur l’évolution de la crise sanitaire, sur l’évolution de la situation économique dans notre sous-région». Le calendrier devrait s’accélérer dans les prochains jours.

Remy Biniou

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