Comité de Compétitivité : L’urgence d’une onde de choc !

Pour réaliser le choc de compétitivité dont l’économie camerounaise a besoin, l’outil d’intelligence économique du gouvernement doit sortir de son hibernation.

Les indicateurs de compétitivité du Cameroun sont peu flatteurs. L’édition 2019 du rapport de compétitivité du forum économique mondial classe l’économie camerounaise 123ème sur 141 avec un score annuel moyen de 46,0/100. Sur les 4 catégories de l’indice d’évaluation, le Cameroun obtient 46/100 pour la catégorie environnement des affaires (institutions, les infrastructures, le niveau de digitalisation, la stabilité macroéconomique) ; 46,5 pour la catégorie capital humain (santé et niveau de compétences des populations) ; 48,25 pour la catégorie structure économique (niveau de production, marché du travail, système financier et taille du marché) ; et 41,5 pour la catégorie dynamisme des entreprises et leur capacité d’innovation (voir figure 1).

Une observation minutieuse des différents indicateurs fait ressortir que l’économie camerounaise ne réalise que trois bonnes performances (75/100 pour la stabilité macroéconomique, 52/100 pour le marché du travail et 52/100 pour le dynamisme des entreprises). En Afrique, le Cameroun est classé au 23ème rang.
Dans l’édition 2020 du rapport Doing Business de la banque mondiale, le Cameroun est classé 167ème sur 190 avec une note de 46,1/100. Le Cameroun perd une place par rapport au classement 2019 et se retrouve derrière le Burundi. En réalité, le rapport suggère aux opérateurs économiques qu’il est mieux d’investir au Burundi qu’au Cameroun.

Au niveau local, le secteur privé camerounais souligne le niveau insatisfaisant de l’implémentation qualitative des recommandations du Cameroon Business Forum (CBF) : la plus grande instance nationale du partenariat public-privé.

Chemin de croix
Pour adresser ces difficultés, le gouvernement a créé un comité de compétitivité logé au ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat). Le patron de ce département ministériel en assure la présidence. Au-delà de son positionnement administratif de cadre permanent de concertation de haut niveau entre les secteurs publics et privé, mais aussi d’interface entre les pouvoirs publics et les acteurs de l’économie productive en vue de rechercher des solutions aux problèmes de compétitivité de l’économie et des entreprises, le comité de compétitivité est un outil d’intelligence économique.

Mais la structure tente de se relever d’une longue hibernation de plusieurs années. L’organisation en février 2020 du secrétariat technique a permis à la structure d’afficher de nouvelles ambitions. Elle envisage désormais de publier annuellement un rapport national de la compétitivité. En février et octobre 2019, la structure a été dotée de nouvelles ressources humaines pour sa redynamisation. Il faudrait ensuite que les ressources financières suivent. Au sein du comité, on indique que 25 milliards fcfa minimum sur 5 années sont nécessaires pour créer l’onde de choc. On brandit l’expérience chinoise.

Sur un budget initial de plus 500 millions de Fcfa pour l’année 2020, 300 millions ont finalement été validés par le secrétariat technique présidé par Protais Ayangma, leader d’une organisation patronale Ecam. Dans cette enveloppe retenue, seul 100 millions Fcfa sont disponibles et 200 millions sont à rechercher.

Remy Biniou

Intelligence économique

Un potentiel inexploité

 

Créé par décret présidentiel N°1997/235 du 31 décembre 1997 et réorganisé par décret 2014/053 du président de la République du 07février 2014, le comité de compétitivité est le dépositaire des mutations qualitatives de l’économie du Cameroun. L’article 2 de ce second décret charge le comité de proposer au ministre de l’économie, et par extension au gouvernement, les solutions les plus pertinentes aux défis de compétitivité. Voilà pourquoi il est une plateforme composée du secteur public, du secteur privé et de la société civile afin d’adopter les solutions les plus concertées.

Bien plus, le décret n°2015/1377 du 10 juin 2015 du premier ministre portant organisation du secrétariat technique et du secrétariat permanent démontre le périmètre d’intelligence économique du comité. Il est organisé autour de trois pôles stratégiques : modernisation, compétitivité de l’appareil productif et appui au secteur privé ; amélioration de l’environnement des investissements, climat des affaires et abaissement des coûts des facteurs et de transactions ; et veille stratégique, observatoire de la compétitivité.

De fait, l’unique observatoire de la compétitivité est logé au Comité et piloter par un expert. Il est en outre en charge de la veille stratégique. A la vérité, c’est le référent des baromètres internationaux qui établissent des ranking annuels de la compétitivité dans le monde et en Afrique.

C’est en vertu de ce rôle stratégique du comité de compétitivité qu’il joue un rôle déterminant dans l’implémentation de l’accord de partenariat économique. Notamment en concourant à la compétitivité des produits camerounais sur le marché européen. Avec l’avènement de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), le comité de compétitivité a été très impliqué dans l’élaboration de la stratégie nationale de mise en œuvre. En cohérence avec la stratégie des exportations, il faudra très bien tirer profit des marchés propices aux fruits de l’économie camerounaise.

RB

Climat des affaires

Dépression nerveuse des opérateurs économiques

Au Cameroun, trois indicateurs permettent de mesurer la rudesse de l’environnement des affaires : l’espérance de vie d’une PME, le poids de l’administration et le stress infrastructurel.

 

Selon l’économiste camerounais Jean-Pierre Evou (Durée de vie et chances de survie des pme au Cameroun), l’âge moyen d’une PME camerounaise est de 18 ans 8 mois. Plus précisément encore, 10 ans après leur création, tout juste moins de 4 entreprises sur 10 sont encore en activité. 5 ans plus tard (à 15 ans de vie), c’est près d’une entreprise sur 4 qui reste en activité. Cette situation est dû à plusieurs facteurs : outre le profil du créateur de la PME, les autres facteurs sont liés à l’environnement des affaires. Il s’agit le régime d’imposition (pression fiscale), corruption (versements des dessous de table) et les lourdeurs administratives.

En matière de poids de l’administration, l’environnement des affaires est plombé par la taille, le délai et la complexité des procédures.

Enfin, pour ce qui est du stress infrastructurel, il faut voir la fourniture, la régularité, la qualité et le coût de l’eau, de l’électricité et d’internet.

Parmi les messages clés de l’édition 2020 du doing business de la banque mondiale, on retient qu’en matière de bonnes pratiques, les 20 premières économies du classement sont toutes dotées de systèmes en ligne pour la création d’une société, la déclaration des revenus et les procédures liées aux transferts de propriété. De même, il revient avec insistance que simplifier les règles et d’accélérer les procédures pour faciliter les affaires, libérer l’esprit d’entreprise et permettre à l’activité économique d’atteindre son plein potentiel.
27ème destination africaine et 133ème en matière d’environnement des affaires, le Cameroun stagne dans le classement 2019 du magazine américain forbes. Pour la banque mondiale, ce classement est plutôt élogieux. Son rapport doing business classe le Cameroun 167ème au niveau mondial et 36ème au niveau africain.

Rémy Biniou

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