20/20 ou (enfin) la souveraineté indépendante !?

Les forums se tiennent devant tous les grands campus sur les indépendances inachevées. Nos indépendances sont-elles identiques? Sont-elles l’aboutissement d’une lutte? Sont-elles octroyées? Ont-elles été préparées? Précipitées?

On ne peut pas bien comprendre les indépendances inachevées, si l’on ne cerne pas le triptyque : esclave-colonisation-décolonisation. Il y a six siècles, après la découverte des nouveaux mondes, l’Europe (surpeuplée et expansionniste), décide de devenir maîtresse du monde. Cela nécessite une main d’œuvre abondante et bon marché, pour l’exploitation de ces terres riches. L’Afrique est donc indiquée pour la main d’œuvre ainsi que l’Asie.

Deux siècles après, ils vont découvrir le moteur et fabriquer les machines, qui vont servir à la mise en œuvre. Ils vont décider de la fin de l’esclavage. Ceci prendra près de deux siècles encore. Les pays européens les moins industrialisés (France, Portugal, Espagne) vont traîner les pieds.

L’industrie naissante va avoir besoin des minerais pour la fabrication des produits, pour la satisfaction de leurs besoins. On en trouve beaucoup en Afrique et en Amérique. Il faut s’approprier ces terres; il faut annexer, mais avant il faut coloniser. Il y a donc les colonies de peuplement et d’approvisionnement.

Du coup, les intentions annexionnistes vont se préciser selon les axes géopolitiques. En 1875, ils convinrent du probable partage de l’Afrique. Devant le danger que représentaient les annexions contradictoires, il se tient de novembre 1884 à février 1885 à Berlin, sous la présidence d’Otto Von Bismark, une conférence regroupant les représentants allemands et français (les deux puissances invitantes), anglais, espagnols, portugais, néerlandais, suedo-norvégiens, belges chinois, italiens, russes, américains, austro-hongrois et turcs.

En colonisant l’Afrique, l’Europe lui a imposé sa conception linéaire et rigide, au mépris des réalités locales, qui accordaient une place prépondérante à l’usage et séparation naturelles. Cet héritage pesant continue de déstabiliser l’ensemble du continent.

La question évidente qu’on doit se poser : est-ce que parce que les États africains avaient un caractère féodal fondé sur l’allégeance des hommes, sur l’administration du territoire que la transcendance ne figure pas dans le registre des postures des sociétés africaines? À quel moment l’Afrique a-t-elle été vaincue? Pourquoi?
N’oublions pas que les chefs battus, aussi puissants fussent-ils, devinrent des vassaux, aux côtés d’un régent résident, appelé ou haut commissaire, assurant la gestion administrative du territoire, ayant les pleins pouvoirs. Les vassaux administraient un groupe de sous-chefs jusqu’au chef de clan, devenant ainsi, les auxiliaires de l’administration coloniale, qu’ils étaient obligés de servir avec loyauté et fidélité, ainsi se diluait la souveraineté dans les régions.

Pour parler du Cameroun plus particulièrement, tout a été dit et écrit, depuis la période allemande à la double période franco-britannique. Le Traité germano-douala a été contesté. Jusqu’à nos jours, les Douala continuent de réclamer certaines terres dans la ville actuelle. Les Allemands ont réuni un certain nombre de représentants, ou les leaders de l’«hinterland» à Kribi en 1889, pour leur faire signer un second traité qui stipulait clairement qu’ils devenaient les propriétaires de ces territoires, et pouvaient donc déterminer l’établissement, l’exploration et l’exploitation du sol et sous-sol du Cameroun. En contrepartie, ils étaient faits chefs; les arrêtés étaient signés de la main de Otto Von Bismark, (Nna Sengue, Atangana Ntsama). Certains comme Obam Beti refusèrent de signer ce traité, et furent traités comme des ennemis.

Révoltés, certains chefs, comme Doumbe Manga Bell, Ihonok Baboule, Manidem Tombi, Manguila, Soumbou Angoula, etc. engageaient certaines actions violentes jusqu’en 1914.

Pour bien comprendre certains problèmes actuels de frontières en Afrique, il convient de comprendre les règles de l’expansion et comment elles furent appliquées dans la réalité africaine. Trois États coloniaux se proposaient une conquête étendant leur domaine de l’Océan Atlantique à l’Océan Indien. La France voulait un empire de Dakar à Djibouti. L’Allemagne rêvait d’un «MITTELAFRICA» reliant le Cameroun à l’Afrique orientale.

Le Portugal revendiquait une ceinture portugaise allant de Luanda à Beira. Les impérialistes britanniques, avec l’homme d’affaires Cecil Rhodes lançaient l’idée d’une Afrique anglaise : du Cap au Caire. Mais aucun de ces plans grandioses ne se réalisa.
À la fin de la Première guerre mondiale, l’Allemagne perdit tous ses territoires en faveur des Britanniques et des Français, et le Cameroun en fut le symbole de cette défaite. Les États-Unis, qui n’avaient pas de colonies en Afrique, poussèrent en août 1941 à la décolonisation. Les Africains y compris, contribuèrent à la libération de l’Europe du nazisme.

En politique les actes désintéressés sont très dangereux, car l’égoïsme bien ordonné commence par les autres.

Le grand mouvement de la libération ou de l’indépendance, qui est implanté par le syndicalisme naissant en 1945, a-t-il été bien pensé? La clé du succès de toute œuvre est soutenue par une bonne organisation, c’est-à-dire bien conçue, menée par une méthodologie bien huilée, appliquée avec une discipline rigoureuse.

Ce mouvement est-il la résultante de la défaite allemande face aux Français? Est-il la conséquence d’une volonté de se libérer? On ne peut pas trop demander à nos ascendants qui étaient limités, mais louer leur détermination et hargne à vouloir être eux-mêmes. Ce «fighting spirit» qui est le grand trait de caractère de nos ascendants, de la colonisation jusqu’à 1960, est à saluer et à perpétuer.

En 1948, ils ont créé l’Union des populations du Cameroun, qui a été le ferment de la libération. Ils se sont battus les mains nues, avec des bâtons, des gourdins, des fusils traditionnels pour libérer le Cameroun. Cette violence leur a été imposée par le colonisateur. Ils demandaient les infrastructures, la formation des cadres etc. En retour, il leur a été imposé la violence.
Les chefs et les leaders avaient à choisir la soumission à l’ordre colonial, la loyauté et la fidélité ou la destitution. Djoumessi Mathias, premier président de l’UPC, chef du KUNZE, association des chefs bamiléké, et son secrétaire Assale, leader d’Efoula Meyong. À l’indépendance, le premier sera Ministre d’Etat et le second Premier ministre.

En faisant de facto des chefs et leaders traditionnels des auxiliaires, le colonisateur va couper l’herbe sous le pied du nationalisme camerounais. La volonté de libération est unanimement exprimée. Deux camps s’opposent : l’indépendance immédiate, et l’autre camp, l’indépendance par étape : UPC contre le Bloc démocratique. Le colonisateur voyant la détermination de libération et d’unification, va favoriser le Bloc démocratique.

Il prendra soin de diviser l’UPC, le sortir du jeu politique, et de décapiter l’exécutif de ce mouvement national. Um Nyobe, son leader, sera trahi par son domestique, qui était l’indic infiltré, après une traque par une société forestière qui exerçait dans le Nyong-et-Kellé. On retrouvera la même société forestière au nord du Congo et au sud du Cameroun, avec l’assassinat de Castor Ossende Afana, premier docteur en économie d’Afrique noire, qui était le successeur, le vrai bras droit du Mpodol. Une partie de ses travaux se retrouve beaucoup dans les publications du Pr Tchuidjang Pouemi, sur la monnaie par exemple.

En 1961, ni le Cameroun oriental, ni le Cameroun occidental, n’ont de juristes formés du niveau à écrire des accords; la preuve, l’indépendance octroyés en 1960 est de «JURE». C’est un accord entre la Reine d’Angleterre et De Gaulle. Celui-ci dira que c’est un cadeau que la reine lui a offert (la Conférence de Foumban).

Une aile de l’UPC, dirigée par Ernest Ouandie, continue le combat après les indépendances, mais des négociations secrètes sont engagées entre le président Ahidjo et lui pour sa reddition. Ouandjie va d’abord hésiter, mais entrera dans la négociation; Ouandie par l’évêque de Nkongsamba, et Ahidjo par Sabal Lecco, préfet du Moungo. Ahidjo attire l’attention de Ouandie sur les soupçons d’un double jeu du prélat. Toujours est-il qu’il va convenir que Ouandie ordonne la reddition de ses troupes au fur et à mesure que la confiance grandissait. Ils obtenaient un pécule, à la fin Ahidjo acceptera de donner de l’argent à celui qu’il appelait son grand frère, pour son installation au Ghana. Il ne recevra jamais cet argent, qui a été détourné. Son secrétaire, Njassep, en parle dans son livre.

Ahidjo a signé en 1957, les accords (11) qui maintiennent fortement la France et le Cameroun. Cinquante ans renouvelables. Um Nyobe et André Mbida ayant refusé de les signer auparavant. La France, choisira de donner le pouvoir à quelqu’un né au Cameroun, de parents traités d’étrangers. Reconnaissons-lui un grand amour pour le Cameroun. Il rendra même visite à Ouandie à la prison BMM de Yaoundé, au soir de son premier jour d’incarcération. Il lui dira qu’il reconnaisse que lui, (Ahidjo) a bien rempli sa part du contrat. Il a remis à qui de droit le montant convenu. Hélas.

Les accords sont arrivés à expiration. Paul Biya va-t-il les renouveler? Quand on voit que les sociétés françaises sous contrat au Cameroun n’ont pas vu leurs accords renouvelés (Elf-Total à la Sonara, Bolloré au port et au rail, aussi dans les transports terrestres), il y a de quoi se poser des questions.

La monnaie vit de la production, de l’investissement, mais surtout de la très bonne gouvernance. Avons-nous pensé à tout cela? Le Cameroun a obtenu une indépendance de «JURE», on voit où ça nous amène. Avons-nous étoffé notre tissu économique avant la monnaie souveraine? Le tissu humain existe, et le reste? La libération est une œuvre collective et non individuelle, elle appelle la participation de tous. La souveraineté, c’est la défense, la monnaie, mais aussi et surtout le travail et le patriotisme. Dans les mythologies populaires, le géant est bon parce que sa grande taille l’autorise à comprendre ce qui se passe de part et d’autre de la muraille.

Enfin, nous sommes en 2020, pourquoi ne pas avoir la note 20/20. Bonne Année!

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