63 milliards de francs pour les réformes structurelles

Cameroun – Union européenne

Le don de Bruxelles, inscrit  dans le cadre du 11e Fed, cible le secteur rural. L’argent sera débloqué par tranche durant les trois années du programme économique et financier que mène Yaoundé pour sortir de la crise économique.

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Malgré l’ajuste-ment budgétaire, le déficit du Cameroun devrait rester important. Sur la période 2017 – 2020, les besoins de financements supplémentaires se chiffrent à environ 1302 milliards de francs CFA, selon le Fonds monétaire international (FMI). En concluant avec cette institution financière un programme triennal de redressement économique et financier en fin juin dernier, les bailleurs de fonds se sont engagés à apporter au Cameroun cet argent à des conditions concessionnelles: «taux d’intérêt nul avec un différé d’amortissement d’un peu plus de cinq ans et une échéance maximale de dix ans», selon les précisions du ministre camerounais de la Communication données lors d’une conférence de presse sur le sujet le 24 juillet à Yaoundé. Parmi ces bailleurs de fonds, l’Union européenne (UE) met sur la table 63 milliards de francs CFA, soit environ 5% des besoins. Contrairement aux autres institutions financières internationales, l’apport de l’UE est un don. Mais, le décaissement de ces fonds est conditionné. Quelles sont ces conditions ? Comment sera débloqué l’argent ? A quoi va-t-il servir ? Réponses dans ce dossier.

L’Union européenne (UE) va virer avant la fin de l’année près de 20 milliards de francs CFA dans les caisses du Trésor public camerounais. Première retombée concrète du Contrat de réformes sectorielles (CRS) de l’appui budgétaire de l’Union européenne. Le CRS a été signé le 09 novembre 2017 par Louis Paul Motaze, le ministre camerounais de l’Economie de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) et Hans – Peter Schadek, le nouvel ambassadeur-chef de délégation de l’UE au Cameroun. Ce contrat est une partie du soutien de l’UE à la mise en œuvre du Programme de réformes économiques et financières que mène en ce moment le Cameroun. Son objectif est de sortir le pays de la crise économique qui perturbe la croissance des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale depuis la chute des prix du pétrole en mi-2014. A la fin des trois années de ce programme, le pays aura reçu du contribuable européen 63 milliards de francs CFA, s’il respecte toutes les conditionnalités de décaissements (voir page suivante).

Accroître la productivité

Dans le cadre du cycle de coopération 2014 – 2020 avec le Cameroun, l’Union européenne a prévu des dons pour un montant pouvant aller jusqu’à 185 milliards de francs CFA. Les 63 milliards d’appui à la mise en œuvre du programme d’ajustement sont pris dans cette enveloppe appelée 11e Fonds européen de développement (Fed). Ils constituent 34% du montant global du 11e Fed et portent à 63% le taux d’engagement de ce fonds dont la mise en œuvre est rendue à mi-parcours. Un tel volume d’argent a pu être engagé d’un seul coup grâce à l’appui budgétaire. Selon le chef de délégation de l’UE au Cameroun, l’avantage de ce nouvel instrument est qu’il permet la réalisation de l’aide au développement «au travers des mécanismes financiers camerounais».

Booster la croissance

Le Contrat de réforme sectorielle signé jeudi de la semaine dernière détaille à quelle utilisation est destinée les 63 milliards de francs CFA. On y lit qu’une partie (59,04 milliards de francs CFA) sera transférée par tranche directement au Trésor public. L’autre partie (3,94 milliards) sera consacrée à l’expertise extérieure, notamment celle de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (voir tableau). Provenant du 11e Fed, l’argent alloué au CRS sera utilisé en conformité avec son Programme indicatif national (PIN). Ce programme a arrêté deux domaines d’intervention: la gouvernance et le développement rural. Il sera donc question dans le cadre du CRS de «faciliter des réformes importantes prévues dans le secteur agricole qui permettront aux bénéficiaires d’accroître leur productivité et donc leurs revenus».

Concrètement, à la fin du programme, le pays devra se doter d’une nouvelle politique semencière et augmenter de 10% la quantité de semences de pré-base produite par l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad). Dans le sous-secteur des intrants agricoles, il est question d’opérationnaliser la loi du 10 juillet 2003 régissant les activités du sous-secteur engrais et d’adopter un manuel de procédures pour l’octroi des intrants. Dans le domaine de l’élevage, on devra assister à une amélioration de la couverture sanitaire du cheptel, se traduisant par l’installation d’au moins 20 vétérinaires privés dans des zones rurales non pourvues. Pour acheminer la production agricole qui devrait augmenter, le programme prévoit de désenclaver les bassins de production en accompagnant les communes dans la réhabilitation de 300 kilomètres de routes. Un tel résultat étant difficile dans un système en proie à la mauvaise gouvernance, le CRS entent promouvoir les bonnes pratiques en matière de gestion des finances publiques, en rendant notamment effective la budgétisation par programme dans les ministères et institutions intervenant dans le développement rural.

Selon des études réalisées dans le cadre de la formulation du CRS, «toute amélioration des conditions de production agricole impacte le taux de croissance du Cameroun». En effet, ce secteur contribue à plus de 20% du PIB et à 40% des exportations du Cameroun (hors secteur pétrolier) et son potentiel de croissance est estimé à 7% par an.

Aboudi Ottou

Comprendre l’appui budgétaire

Dans le cadre du partenariat entre le Cameroun et l’Union européenne (UE), le gouvernement a marqué son souhait depuis 2016 de passer de l’approche projet à l’appui budgétaire. Cette dernière option permet au bailleur de fonds de transférer directement les ressources financières au Trésor public. Le gouvernement dispose par conséquent de plus de flexibilité dans la gestion de ces allocations. Il s’engage cependant à poursuivre un dialogue stratégique et à se soumettre à une évaluation des résultats. Pour ce faire, il accepte de renforcer ses capacités. Grâce à l’appui budgétaire, le Cameroun pourra utiliser ces financements sans que l’institution européenne n’interfère dans l’affectation des ressources. Ceci fait du gouvernement le seul responsable de l’atteinte des objectifs de la convention. Mais les décaissements sont conditionnés par l’atteinte des résultats intermédiaires.

Parmi les valeurs fondamentales de ce mode de financement, on peut citer l’adhésion du gouvernement bénéficiaire aux droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit. Parmi les cinq grands objectifs de l’appui budgétaire, il y a la promotion des droits de l’homme et des principes démocratiques, l’amélioration de la gestion financière et la promotion des réformes sectorielles. Pour pouvoir prétendre à l’appui budgétaire de l’Union européenne, un Etat doit satisfaire aux critères d’éligibilité ci-après : disposer d’une politique et d’une stratégie de réforme ou de développement sectoriel voire national bien définies; avoir un cadre macroéconomique stable et mettre en place une politique de contrôle budgétaire transparente.

Les négociations du contrat de réformes structurelles au titre de l’appui budgétaire pour la période 2017 – 2019 ont commencé depuis quelques mois. Selon l’Union européenne, le  Cameroun répond aux critères d’éligibilité de cet appui financier. Notamment  grâce à sa stabilité macroéconomique, à l’existence d’une stratégie de développement du secteur rural et à la mise en place d’un plan de modernisation des finances publiques.

Moïse Nkoumou

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