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Jacques Chirac: son mariage à l’Afrique!

Pourquoi parler de Chirac quand le Soudan, l’Est de la RDC ou encore la méditerranée engloutissent des milliers d’Africains? S’interrogeront sans doute les lecteurs de cette chronique.

Beaucoup diagnostiqueraient le complexe du colonisé à l’auteur de cette épigraphe. Peut-on faire le mort quand une page des relations de l’Afrique à l’Occident, particulièrement à la France, se referme? Peut-on être insensible à la disparition d’un concélébrant des diners d’ajournement de la rupture du cordon ombilical entre la France et son pré-carré africain?

Jacques Chirac s’est éteint le 26 septembre dernier au milieu des siens. Paix à son âme! Son rapport à l’Afrique était d’une complexité semblable aux multiples nuances d’un long mariage. Homme politique de chaleur et de controverses, Chirac a été un artisan du leadership français en Afrique. Il est sans doute le dernier homme politique à avoir affirmé la puissance de la France dans les esprits des Africains. Comme face à une épouse, Chirac s’est montré loyal, prévenant, chaleureux vis-à-vis des dirigeants africains.

Loyal et fidèle
Cet entregent bien connu et reconnu, salué dans le monde aujourd’hui, tout le monde n’y avait pas droit. Il fallait être un ami courtois à Paris. Cette courtoisie aura sans doute manqué à Laurent Gbagbo. Peu après la tentative de coup d’État du 19 septembre 2002, le président Laurent Gbagbo ne tarda pas à accuser Paris d’avoir manœuvré dans l’ombre pour le renverser. La tension se nourrit notamment du refus français d’appliquer l’accord de défense existant entre les deux pays.

Pour M. Gbagbo, l’armée française, qui dispose toujours d’une enclave à Abidjan, aurait dû prêter main-forte aux soldats ivoiriens, au motif que les assaillants étaient partis d’un État voisin, en l’occurrence le Burkina Faso. M. Chirac refusa au prétexte qu’il s’agissait d’une crise politique interne à la Côte d’Ivoire. La tension atteignit son paroxysme en novembre 2004, après le bombardement de la base militaire française de Bouaké par l’aviation ivoirienne. À cet instant, Paris envisagea sérieusement de chasser M. Gbagbo de son fauteuil et de le remplacer par son chef d’état-major. La tentative fit long feu, mais les relations franco-ivoiriennes furent abîmées pour de nombreuses années. Ainsi, dans ce qui fut le joyau de la couronne françafricaine, Abidjan, on vit fleurir des slogans tels que «Si c’est gâté [fichu], à chacun son Français». Après l’élection de Nicolas Sarkozy, M. Gbagbo eut cette phrase, mal avisée au regard de l’histoire: «Depuis, je dors mieux.»

Apôtre de la justice
Pendant l’exercice du pouvoir, Jacques Chirac s’est fait l’avocat de l’Afrique sur la scène internationale. Il va accentuer ses plaidoyers au crépuscule de son bail à l’Élysée. Cette posture, Chirac l’inaugure sous la cinquième république et ses successeurs vont l’adopter. Ainsi déclare-t-il à Cannes en février 2007 devant les représentants de 48 États africains réunis au sommet franco-africain : «j’aime l’Afrique, ses territoires, ses peuples et ses cultures. Je mesure ses besoins, je comprends ses aspirations». Dans une interview accordée à la presse après son départ de l’Élysée, Jacques Chirac a reconnu que les richesses de l’Afrique ont été pillées, y compris par son pays. Et il a demandé qu’on rende aux Africains ce qu’on leur a pris.«On oublie seulement une chose.

C’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique. Pas uniquement, mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens. Je ne dis pas de générosité. De bon sens, de justice, pour rendre aux Africains, je dirais, ce qu’on leur a pris. D’autant que c’est nécessaire, si on veut éviter les pires convulsions ou difficultés, avec les conséquences politiques que ça comporte dans un proche avenir».

Zacharie Roger Mbarga

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