Mvog-Mbi, le carrefour à l’épreuve des feux de signalisation

En place depuis bientôt un mois, la nouveauté fait le bonheur de certains tandis que d’autres peinent à l’intégrer.

 

Mvog-Mbi, carrefour en X, à l’heure de pointe

Parce que Mvog-Mbi faisait figure de totem du désordre urbain dans l’arrondissement de Yaoundé IV, l’endroit avait bien gagné son nom: «Carrefour désordre», selon quelques usagers rencontrés ce matin du 28 août 2019. Ce jour, leur vocabulaire déclame autre chose. «Avec la pose des feux, la circulation des piétons et des automobilistes est maintenant un peu empreinte de poésie», énonce Gabriel Mboudou. «Avant, c’était la magie ici !», appuie le fonctionnaire. Il dit toute sa joie de voir la technologie s’inviter en ce lieu vu d’en haut comme un carrefour en X, grâce à l’entreprise Cegelec S.A. «Ce n’est plus une agora dangereuse où les usagers échangeaient des formules lapidaires chaque jour», décrit-il.

A la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy), on s’en félicite. «C’est bon pour tout le monde ! Ils (les feux de signalisation, Ndlr) participent aussi à l’attractivité d’une grande cité qui se veut un aimant politique en Afrique», évalue Gilbert Tsimi Evouna. Dans son assurance, le délégué du gouvernement auprès de la Cuy proclame que «ces feux créent un carrefour fluide, plus accueillant, plus citoyen, et surtout un carrefour qui respire». Cela est vrai à ce tournant des vacances scolaires. Un agent de police en faction renseigne sur les critères qui ont gouverné à l’installation de feux ici, objet du marché °08/M/CUY/CIPM/ du 18 mars 2019. «Ils sont basés sur le volume total des voitures et des piétons traversant un carrefour, les délais subis par les véhicules et les piétons venant des rues transversales et le nombre de collisions à ce carrefour», balance-t-il.

Traque
Sur le sujet, le Groupement régional de la voie publique et de la circulation du Centre est plus pointu. Une première évaluation faite par cette unité à la mi-août flatte : «Avec ces feux, cela fait au moins 10 minutes de perdues en moins par jour ouvrable pour les gens qui se rendent au travail. Cela pourrait représenter environ 50 000 heures d’embouteillages en moins par an», assure Adamou Baba, le maître des lieux. En s’appuyant sur des séquences filmées détaillant la variété des processus de négociation entre véhicules, ce commissaire de police mentionne que ses éléments guettent les personnes en infraction et verbalisent. Enjeu: «en finir avec le joyeux chaos, sans règles apparentes». Déjà, les chiffres le précisent utilement: 3% pour stationnements non autorisé, 96% pour franchissements de feu rouge et 1% pour d’autres infractions (encombrements de carrefour notamment) pour un total de 208 depuis deux semaines.

Feux grillés
En fixant l’œil sur ces statistiques, l’on se rend à l’évidence que les feux tricolores ne sont pas respectés de tous. Mieux, beaucoup ne sont pas au courant de leur existence ou font semblant. Certains ne démarrent pas assez vite lorsque le feu passe au vert et ralentissent le trafic. De temps en temps, des piétons faufilent entre les véhicules, esquivant le passage clouté, lors du passage du vert au rouge et inversement. Adamou Baba reconnaît: «On a changé les habitudes ; mais elles ont la peau dure». Cela est surtout visible aux heures dites de pointe. «Mvog-Mbi, c’est 100% de taux d’occupation durant la journée. Plus tard dans la soirée, entre 23h et 00h, ce score tombera à 10%.

Deux pics de fréquentation journaliers sont particulièrement visibles et correspondent aux horaires d’entrée ou sortie de bureaux : entre 7h et 9h, puis entre 18h et 20h. Le schéma est différent le week-end : matinée moins saturée, mais pics en fin d’après-midi», explique Diane Yemele, la coordonnatrice l’ONG Centre d’études et d’expertise sur la mobilité et l’aménagement (Ceema). Pour tout comprendre, c’est parce que, à ces heures-là, l’état du trafic se renforce, tout comme le flux de véhicules, du fait de la proximité de l’un des plus grands marchés de la capitale. Du coup, les feux sont grillés. A l’évidence, à Mvog-Mbi, c’est une autre partition d’effort civique qui se joue.

 

Jean-René Meva’a Amougou

 

Diane Yemele

« Cela est bien pour tous »

La coordonnatrice du Ceema livre son appréciation sur le trafic régulé par les feux de signalisation au Carrefour Mvog-Mbi.

En termes de valeur ajoutée, qu’apportent ces feux au carrefour Mvog-Mbi ?
Juste un peu plus de vigilance de la part des automobilistes que des piétons. Dans le code de la route, il est enseigné que les feux de signalisation trafic demandent un effort de concentration de la part des uns et des autres. À Mvog-Mbi comme partout ailleurs au niveau des grands carrefours où les feux sont installés, ils exigent un nombre de coups d’œil vifs et instantanés plus important que la plupart des processus de coordination dans l’espace public.

Pouvez-vous vous prononcer sur leur fonctionnement ?
Ils sont encore tout neufs et cela est bien pour tous. S’il est assez intuitif de comprendre qu’une absence de feux provoque une accumulation de voitures et donc un embouteillage, comme le sable dans entonnoir, ces feux de Mvog-Mbi sont bien loin de ceux qui existent ailleurs. Je pense à certains feux qui virent au rouge juste après 20 secondes. D’autres alternent le rouge et le vert dans le même laps de temps. D’autres encore sont éternellement au vert. Pendant que sur le flanc opposé du carrefour, c’est le jaune qui clignote.

Mais, les embouteillages persistent là-bas…
Globalement, le temps passé dans les bouchons a baissé ; même si en termes de «temps perdu ressenti», l’automobiliste qui fréquente Mvog-Mbi n’a toujours pas vu de différence. Cela amène à la théorie selon laquelle la fluidité n’est pas synonyme d’un écoulement continu, elle revêt la forme d’une discontinuité généralisée, résultat du maximum d’adaptation des agents du trafic les uns aux autres. Toutefois, il convient de retenir ou se rappeler que le signal «vert» impose de franchir le feu, le signal «jaune» interdit de passer sauf circonstances extrêmes alors que le feu rouge prescrit l’obligation de s’arrêter.

Que dire des plus pressés qui klaxonnent au feu rouge ?
Le Code de la route encadre strictement l’usage du klaxon. En agglomération, il n’est autorisé qu’en cas de danger immédiat et ne doit pas se prolonger plus qu’il n’est utile. Hors agglomération, l’usage des avertisseurs sonores n’est permis que pour avertir, si nécessaire, les autres usagers de la route.

Propos recueillis par JRMA

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