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Afrique centrale : Des barrages pour booster l’intégration

Les études d’avant-projet sommaire et d’avant-projet détaillé des barrages hydroélectriques de Booué et de Tsengué-Lélédi ont été adoptées le 23 avril 2019 à Libreville.

 

Les parties prenantes et les partenaires techniques et financiers édifiés sur les contours des deux projets.

Les parties prenantes et les partenaires techniques et financiers intéressés par les barrages hydroélectriques de Booué et de Tsengué-Lélédi en savent un peu plus sur ces projets. Les études d’avant-projet sommaire et d’avant-projet détaillé de ces barrages hydroélectriques ont été adoptées le 23 avril 2019, au terme de l’atelier régional de lancement, tenu à Libreville au Gabon.

Les barrages hydroélectriques de Booué et de Tsengué-Lélédi sont des projets intégrateurs au bénéfice de quatre pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Ces projets visent à appuyer le Cameroun, le Gabon, le Congo, et la Guinée équatoriale à mettre en place un cadre formel de gestion durable des ressources en eau partagées, un système de suivi des ressources en eau.

Selon le secrétariat général de la CEEAC, le projet «Booué et Tsengue-Lélédi» revêt un caractère régional phare pour l’Afrique centrale. Il permet non seulement de renforcer la coopération et l’intégration régionales, mais aussi de construire un maillon important d’infrastructures de réseau électrique interconnecté dans cette zone. Il a pour objectif de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population des pays concernés par le projet (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale), dans le cadre du soutien au développement économique et social.

Financé à hauteur de 757 millions de FCFA par la Banque africaine de Développement (BAD), la Facilité africaine de l’Eau (FAE), la Facilité pour la préparation des projets d’infrastructures du Nepad (IPPF/Nepad), la CEEAC et les quatre États membres, les deux projets sont mis en œuvre par l’Unité de démarrage du centre régional de coordination et de la gestion des ressources en eau de l’Afrique centrale (UD/ CRCRE). Les études s’achèvent en février 2020.

L’atelier de Libreville a réuni une cinquantaine de participants composés des membres de la Structure focale nationale (SFN) du Gabon, des experts venant du Cameroun, du Congo, de la CEEAC, des partenaires techniques et financiers (Délégation de l’Union africaine, le Pool énergétique de l’Afrique Centrale, l’Agence française de développement, la Banque mondiale, la Cemac), du Groupe de la BAD ainsi que du Groupement ISL.

Les travaux ont permis plusieurs actions : examiner et valider le rapport de démarrage de l’étude portant élaboration des études d’avant-projet sommaire et d’avant-projet détaillé des barrages hydroélectriques ; sensibiliser les parties prenantes au projet afin qu’ils aient une lisibilité de toutes les activités à conduire par le Groupement dans le cadre des prestations qui lui sont confiées; mobiliser les Structures focales nationales afin qu’elles jouent leurs rôles d’assistance aux consultants pour la collecte des données et informations, de revue et production des commentaires sur chaque livrable de l’étude ; sensibiliser les partenaires techniques et financiers afin qu’ils soutiennent la mobilisation des ressources financières pour la réalisation des travaux des projets d’investissements.

Rémy Biniou

Intégration 

Pas assez d’énergie à Memve’ele pour les pays voisins 

La puissance de 211 MW attendue de l’ouvrage est à peine suffisante pour assurer une autosuffisance électrique au Cameroun. Mais il y a encore de nombreuses questions règlementaires à clarifier pour une interconnexion des réseaux électriques dans la sous-région.

Avec cet ouvrage, le Cameroun ambitionne de devenir un exportateur d’électricité, mais rien n’est moins sûr.

«Dans quelques années, on pourra voir ici se dresser un barrage alimentant une centrale d’environ 200 mégawatts. Il permettra de renforcer en énergie le réseau interconnecté-sud et d’approvisionner le futur complexe industriel et portuaire de Kribi, la région du Sud et peut-être nos voisins, s’ils en expriment le désir». Sept ans presque, jour pour jour, après cette annonce de Paul Biya, le 15 juin 2012.

Ceux qui font un tour à Nyabizan, dans l’arrondissement de Ma’an, département de la Vallée du Ntem, région du Sud, peuvent effectivement admirer le chef-d’œuvre à la fois architectural et technologique. Les techniciens à l’œuvre assurent que l’ouvrage peut générer les 211 MW prévus et que, contrairement à ce qu’on a décrié sur d’autres barrages, cette fois, les localités environnantes ne resteront pas dans le noir pendant que l’énergie produite derrière leurs cases éclaire d’autres villes. Depuis quelques jours, le barrage injecte 85 MW sur le réseau d’Eneo. Cette mesure provisoire vise à mettre à disposition des ménages l’énergie produite par cet ouvrage, en attendant la fin des travaux de la ligne de transport entre Nyabizan et Yaoundé, d’ici à 2020.

Par contre, le barrage de Memve’ele risque de ne pas être un vecteur d’intégration sous régionale comme espéré. Au plan quantitatif, 211 MW, c’est beaucoup certes, mais pas assez au regard des besoins du pays. Lors de l’université du Gicam, en juin 2015 à Douala, le directeur général d’Eneo Cameroon, Joël Nana Kontchou, expliquait déjà que «malgré ses ressources considérables en énergie primaire, notamment, hydroélectrique, solaire, biomasse, pétrolière et éolienne, le Cameroun reste assez mal nanti en énergie électrique».

Déficit
En effet, pour un pays qui possède le deuxième plus grand potentiel hydroélectrique de l’Afrique centrale, estimé notamment à environ 20 GW, «le taux d’électrification ne dépasse pas 50 %, alors qu’il atteint 90 % en Afrique du Nord. De même, la consommation annuelle d’énergie électrique par habitant est environ de 165 kWh alors qu’elle s’élève à plus de 1650 kWh en Afrique Australe. Ce taux d’électrification est encore plus flagrant quand on passe des villes aux campagnes».

Pour garantir l’accès à l’électricité au plus grand nombre, l’État a construit les barrages de Memve’ele, Lom Pangar et Mekin. Ce qui a permis de porter la puissance installée de 933 MW en 2010, et à 1517 MW en 2017, soit une augmentation de 63 %. Il y a encore un gap de 1483 MW par rapport à l’objectif de 3000 MW en 2020, fixé dans le DSCE.

Au plan qualitatif, l’interconnexion des réseaux électriques du Cameroun, du Gabon et de la Guinée équatoriale figure bien parmi les projets prioritaires du Pool énergétique de l’Afrique centrale (PEAC) de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), mais les choses ne sont pas encore totalement au point pour une intégration des réseaux électriques.

Estimation réelle des besoins, norme, prix de vente, gestion des infrastructures de transport, il y a encore un certain nombre de questions règlementaires à arrêter. Selon les experts, le réseau de transport de la Guinée équatoriale est articulé autour des transformateurs de 225, 110 et 30 kV. Au Cameroun, les transformateurs sont calibrés en 225, 90 et 30 kV. Pour une interconnexion entre les deux réseaux, il faudra donc construire un poste transformateur de 90 kV, mais aux frais et sous la responsabilité de quel État ?

RB

Politique énergétique 

L’Afrique centrale vise 20 % d’électrification par an

Malgré un potentiel important, la sous-région reste mal lôtie en matière d’accès à l’électricité. Les projets intégrateurs prioritaires et le programme d’électrification transfrontalière adoptés en décembre 2013 peinent à prendre corps.

 

Projets du Programme d’électrification transfrontalière (PPET)

Selon le secrétaire permanent du Pool énergétique de la sous-région Afrique centrale (PEAC), Jean-Chrysostome Mekondongo, le plus grand déficit en infrastructures en Afrique Centrale se trouve dans le secteur de l’électricité. Il est surtout question de développement des capacités de production et du développement de l’accès à l’énergie électrique. Il n’y a pas de réseau transfrontalier proprement dit, à part la ligne 220 kV qui lie Kinshasa en RD Congo à Brazzaville au Congo. Elle demeure en conséquence la région la moins électrifiée du continent, avec un taux d’environ 13 %. C’est pourquoi, dans le cadre de sa mission, le PEAC œuvre à la mise en place des projets de construction d’infrastructures électriques.

La situation actuelle du marché de l’électricité dans les pays du PEAC indique que la production brute des centrales de ces pays a atteint 30 000 GWh. Toujours selon le pool énergétique, l’Afrique centrale est aussi caractérisée par un faible taux de desserte, une faible consommation moyenne d’électricité (108 kWh/habitant contre 740 en Afrique du Nord et 1600 en Afrique australe) et un faible niveau d’interconnexion des réseaux électriques. Dans la zone CEEAC, qui compte plus de 300 millions d’habitants, plus de 125 millions n’ont pas accès à l’électricité.

En 2017, les pays de la sous-région ont manifesté leur volonté d’accroître leur taux d’électrification de 20 % par an. «Afin d’accroître l’efficacité opérationnelle de la distribution, nos entreprises doivent investir à la fois dans l’amélioration de la capacité des lignes et des postes, ainsi que dans le renforcement des capacités humaines. Nous devons réinventer l’activité commerciale en tirant avantage des progrès technologiques, notamment la digitalisation, pour construire une nouvelle relation avec nos clients, lutter contre la fraude, améliorer les normes de service ainsi que l’adoption d’un système de facturation fiable», expliquait alors Joël Nana Kontchou, directeur général de Energy of Cameroon, le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun.

 

Renforcement de la fourniture de l’énergie électrique au Cameroun

3700 milliards de FCFA à investir d’ici 2025

« Eneo investira environ 477 milliards sur les 10 prochaines années [jusqu’en 2025, NDLR]. Environ 65 % de cette somme sera consacré aux réseaux et au service commercial. Son ambition est d’aller au-delà du double du nombre d’abonnés en 10 ans, afin de dépasser la barre de 2 millions de clients en 2024.

Nous envisageons également de réduire de 70 %, sur 5 ans, la durée moyenne annuelle de la non-fourniture d’énergie au client, en passant de 105 à 35h ; nous allons procéder au remplacement ou à la réparation de 400 000 poteaux en bois au cours des 5 prochaines années ; 4 à 5000 nouveaux postes de distribution basse tension seront créés dans le cadre de la lutte contre les baisses de tension et la réduction des pertes techniques.

À l’horizon 2025, nous pourrons envisager un taux de desserte de l’ordre de 75 %, avec une réduction de plus de 85 % des interruptions de fourniture d’électricité. Pour ce faire, les investissements à consentir seront importants :

– 2500 milliards d’investissements dans la production, pour un objectif de puissance installée d’au moins 3000 MW à horizon 2025 ;

– Le transport nécessite des investissements de l’ordre de 700 milliards ;

– Ces sommes viendront s’ajouter aux 477 milliards d’Eneo ;

Au total, nous parlons d’investissement de l’ordre de 3700 milliards de francs CFA sur 10 ans. »

Source : Communication du directeur général d’Eneo Cameroon

aux 4e assises de l’université du Gicam, le 26 juin 2015.

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