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Suisse : Le Cameroun s’humilie à Genève

Un spectacle ubuesque qui déshonore le pays : des Camerounais protestent bruyamment contre la présence de leur chef d’Etat à l’hôtel Intercontinental de Genève. Avec à la clé des échauffourées qui tournent à l’affrontement. La police genevoise sort de ses gongs.

La police genévoise envoie des canons d’eau sur des manifestants camerounais

Elle a eu lieu dans l’après-midi du 29 juin 2019 devant la Place des Nation à Genève. La manifestation contre Paul Biya, à l’initiative de la nébuleuse BAS (Brigade Antisardinards), a rassemblé environ 250 personnes, sous l’œil vigilant de la police genevoise. Les manifestants n’ont pas pu approcher l’Intercontinental où logerait le président de la République du Cameroun. Chaque tentative de s’émanciper de l’espace défini pour manifester s’est soldée par une réaction vigoureuse de la police.

Selon le journal Le Matin, «les forces de l’ordre ont sorti la tonne- pompe et fait usage de gaz lacrymogènes, a constaté un photographe de Keystone – ATS sur place. Quelques heurts ont eu lieu entre les pro Biya et les opposants». Le même journal fait le bilan humain de cet événement, en faisant parler le porte-parole de la police genevoise. Pour Sylvain Guillaume-Gentil, «certaines personnes ont été incommodées, mais personne n’a été hospitalisé. À cause de la chaleur, quelques manifestants ont eu des malaises passagers. En fin d’après-midi, ils n’étaient plus que 30 à 50 personnes à manifester calmement».

Un avant-goût de la manifestation de samedi dernier avait également donné un bilan humain léger. En effet, des échauffourées au hall de l’Intercontinental de Genève trois jours auparavant avaient fait plus de peur que de mal. Une bagarre entre les éléments de la garde rapprochés de Paul Biya et trois opposants ce mercredi 25 juin a juste provoqué des blessures sans grande conséquence de part et d’autre. Un journaliste suisse, venu faire son travail, s’en tire avec des voies de fait sur sa personne et la confiscation de son matériel de travail par la sécurité présidentielle.

Tempête dans un verre d’eau ?
Plus de peur que de mal au regard du bilan humain. Mais le désastre sur le plan symbolique est énorme. Le Gouvernement camerounais reconnait que ces «comportements inadmissibles» sont «de nature à ternir l’image du Cameroun». Le ministre de la communication, porte-parole du Gouvernement camerounais, parle de «spectacle ubuesque qui déshonore le Cameroun, orchestré par des concitoyens qui ne sauraient se prévaloir d’une quelconque légitimité face aux millions d’autres camerounais, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui demeurent fidèles aux institutions républicaines et qui ont foi en l’avenir de leur pays».

Sur les réseaux sociaux, on enregistre également des conséquences néfastes des affrontements épiques entre les Camerounais. Certains ont lancé des pétitions en ligne contre l’hôtel Intercontinental qui accueille Paul Biya, ou en direction des autorités suisses pour que Genève déclare le président de la République du Cameroun persona non grata sur le territoire helvétique. D’autres camerounais soutiennent sans sourciller leur champion de président, en partageant au maximum les images et les écrits en défaveur de la BAS. Les dérives ne manquent pas d’un camp comme de l’autre. On s’en doute, la manipulation tourne à plein régime dans un tel contexte. Celle-ci ouvre la porte à toutes sortes de confusions et d’interprétations. Dans la foulée, le discours tribal et tribaliste prospère, faisant vaciller l’unité nationale construite patiemment depuis 60 ans par les gouvernants camerounais.

 

Thierry Ndong Owona

 

Sylvain Guillaume-Gentil

«Votre message a été compris aujourd’hui»

Verbatim du porte-parole de la police genevoise aux manifestants de samedi dernier devant la Place des Nations à Genève.

Ce que je peux vous dire à défaut d’être compris, votre message a été compris aujourd’hui… Au niveau de ce qui s’est passé aujourd’hui, vous devrez savoir que la Suisse a des lois et que les autorités suisses ont accepté la venue de monsieur Biya sur son territoire. Pour moi, en tant que policier suisse, monsieur Biya est un président. Il a été accueilli par mon pays, et j’ai le devoir de tout faire pour le protéger. La Suisse vous a par ailleurs donné le droit de manifester et de dire votre mécontentement. Il y a des règles typiquement à respecter qu’on avait demandées à l’organisateur. C’était que le rassemblement reste au niveau de la Place des Nations. Je pense que vous avez compris ; à un moment de l’après-midi, vous avez voulu, vous vous êtes opposés à moi, parce que je dois protéger monsieur Biya. Voilà où on en est aujourd’hui. Nous n’avons pas la possibilité, nous, la police et autorités genevoises, de dire à monsieur Biya de quitter la Suisse. Les autorités fédérales suisses ou les autorités camerounaises sont les seules compétentes à décider du départ de monsieur Biya.

 

Dialogue national inclusif au Cameroun

La Suisse prépare le terrain des négociations

La Confédération helvétique a souhaité et obtenu de Paul Biya un mandat officiel de médiation dans le cadre de la crise sociopolitique qui secoue le Cameroun.

 

« Aux problèmes camerounais, il y a des solutions camerounaises». L’heure n’est plus à retourner cette phrase lancée à Yaoundé le 22 mai dernier par Pietro Lazzeri, l’ambassadeur de Suisse au Cameroun. Depuis le 27 juin 2019, la Confédération helvétique s’abrite derrière le paravent décoratif de l’accompagnement pour légitimer sa présence lors du dialogue national inclusif annoncé au Cameroun. Sous l’aiguillon de son Centre pour le dialogue humanitaire (HD Centre), une rencontre avec divers groupes d’opposition camerounais a eu lieu du 25 au 27 juin.

Sur son site internet ce 30 juin, RFI (Radio France internationale) précise qu’une douzaine de représentants du SCLC (Conseil de libération des Camerounais du Sud), une faction du « Gouvernement par intérim » de l’AIPC (Ambazonian International Policy Commission), le RoAN (Republic of Ambazonia Nationals), entre autres ont répondu présents à cette rencontre. Leur séjour en terre helvétique a été totalement pris en charge par le HD Centre. «C’est à ce groupe, constitué d’un assemblage hétéroclite d’individus aux parcours et origines politiques variés, qu’appartient l’industriel français Antoine Saint-Affrique. Il est le président du groupe agroalimentaire Barry Callebaut, propriétaire de la Société industrielle des cacaos (Sic cacaos) à Douala. Il a été reçu le 22 avril 2019 à Yaoundé par le président Paul Biya», soulignent des sources bien informées.

Lobbying payant
C’est l’histoire d’un méticuleux travail de lobbying. L’euphémisation du vocabulaire répond à une volonté de gommer toutes les aspérités dialectiques, et les affrontements à l’œuvre dans les rapports de force depuis janvier 2018 (période pendant laquelle les représentants d’intérêts diplomatiques et privés ont commencé à circuler dans les couloirs du Palais de l’Unité). Les uns après les autres, ils ont usé de pratiques tantôt ultra-agressives, tantôt retorses. En mars 2019, Ueli Maurer avait été annoncé à Yaoundé. La visite du président suisse a été annulée. Si les raisons de ce désistement n’ont pas été officiellement dévoilées, «il n’en demeure pas moins que les rouages du lobbying n’avaient pas encore été bien calés», assure le politologue Belinga Zambo. L’universitaire associe ce «glissement» à la montée en première ligne de Pietro Lazzeri, juste quelque temps après. Au sortir d’une autre audience que lui avait alors accordée Paul Biya, le diplomate suisse, en poste à Yaoundé, n’avait pas manqué de vanter les états de service de son pays en matière de résolution de conflits.

Pour des observateurs, l’ambassadeur suisse ne reprenait que le crédo de Nicoletta Mariolini. Au cours d’une visite très médiatisée en terre camerounaise en janvier 2018, la déléguée fédérale suisse au plurilinguisme avait exploré les possibles domaines de coopération devant permettre de relever le défi de renforcement de la cohésion nationale et la promotion du vivre ensemble entre les différentes communautés culturelles et linguistiques du Cameroun. «La Suisse est un pays qui sait mener des actions concrètes et utiles, avec modestie, mais avec détermination, qui y parvient par son impartialité, par le travail et par le dialogue. Un pays qui apporte de l’eau à ceux qui ont soif, quel que soit leur camp», avait dit Nicoletta Mariolini.

Jean-René Meva’a Amougou

Perturbation du séjour du couple présidentiel en Suisse

L’indignation du Gouvernement

Le ministre camerounais de la Communication, porte-parole du Gouvernement, a fait une sortie le 29 juin dernier, pour dénoncer les agissements de la Brigade Antisardinards (BAS).

Le ministre de la Communication du Cameroun

Des individus se réclamant d’une organisation dénommée -Brigade Antisardinards-, après avoir entrepris de commettre des actes de vandalisme dans un établissement hôtelier de Genève en Suisse, le 25 juin 2019, dans le but de perturber le séjour privé du Chef de l’Etat, se sont une fois de plus manifestés sur une des rues de Genève, ce samedi, 29 juin, avant d’être rappelés à l’ordre par la force publique de la Confédération Helvétique.

Face à la récurrence de ces agissements aussi incompréhensibles qu’inopportuns, perpétrés par une frange de Camerounais de la diaspora, le Gouvernement de la République exprime l’indignation de toute la Nation et dénonce fermement des comportements inadmissibles, de nature à ternir l’image du Cameroun, et qui méritent l’opprobre de tous, au-delà de toute considération.

Au demeurant, l’attitude particulièrement hostile et belliqueuse de ces compatriotes, suscite tant d’interrogations au sein de la communauté nationale : pourquoi toute cette violence, quel en est le bien-fondé, quels en sont les bases de légalité et de légitimité ?

Car, il est constant, qu’au-delà des considérations d’ordre politique ou idéologique, une chose est incontestable, incontournable et infrangible, c’est notre appartenance à un même pays et notre attachement à une même Nation.

Ceci induit pour tout camerounais, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, quelle que soit son obédience politique, le respect des institutions de la République, et conséquemment, le respect de celui qui incarne lesdites institutions.

À ce titre, il est fait obligation à tous, citoyennes et citoyens camerounais, quel que soit le lieu de résidence, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, d’œuvrer à la préservation de l’image, de la dignité et de la souveraineté du Cameroun.

Fort de ces principes sacrés, le Gouvernement réaffirme sa vive condamnation de l’état d’esprit d’une partie marginale de la diaspora, qui se manifeste depuis quelque temps, par une hostilité et une agressivité innommables contre celui qui, aujourd’hui, après avoir été dûment investi du soutien et de la confiance du peuple camerounais, préside aux destinées de la Nation camerounaise.

Devant la démesure des actions menées, il y a lieu de questionner ces concitoyens sur les mobiles qui les poussent à étaler sur la face du monde leurs sentiments antipatriotiques, et à porter préjudice à cette Patrie qui nous est commune et chère à tous.
Le Gouvernement dénonce cet activisme pernicieux, qui, somme toute, procède d’une contradiction flagrante, car l’on ne saurait à la fois, prétendre aimer le Cameroun, et en arriver si gravement, à attenter à l’honorabilité de celui qui incarne au plus haut point, les aspirations profondes, les nobles ambitions et la fierté.

Le Gouvernement exprime une fois de plus, sa réprobation totale face à ce spectacle ubuesque qui déshonore le Cameroun, orchestré par des concitoyens qui ne sauraient se prévaloir d’une quelconque légitimité face aux millions d’autres camerounais, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui demeurent fidèles aux institutions républicaines et qui ont foi en l’avenir de leur pays.
Aussi, le Gouvernement tient-il à saluer celles et ceux de nos compatriotes de la diaspora qui se démarquent de ces actes infâmes, mettant en avant l’intérêt supérieur de la Nation et l’image du Cameroun, et faisant ainsi preuve de patriotisme et de responsabilité.

Enfin, le Gouvernement rappelle que le PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, Son Excellence Paul BIYA, n’est pas ni le Président d’un groupe, d’une tribu ou d’une formation politique, mais bel et bien, le président de tous les Camerounais, sans exclusive, et qu’à ce titre, il doit bénéficier du respect et du soutien de la Nation tout entière.

 

Le ministre de la Communication
Réné Emmanuel Sadi

Dernière heure

John Fru Ndi libéré

Le président du Social democratic front (Sdf) a regagné son son domicile de Ntarikon dans l’après-midi du 29 juin dernier, après avoir été enlevé la veille par des individus armés se réclamant de la république d’Ambazonie.

Un happy end pour cet homme politique à la tête de la deuxième force politique au parlement camerounais. Aucune information n’a filtré sur ses ravisseurs, les conditions de sa détention ou les modalités de sa libération.

Lors de l’enlèvement du chairman John Fru Ndi à Ntarinkon, vendredi 28 juin 2019 à 15h25mn par une bande d’individus armés à bord d’un véhicule banalisé de couleur rouge, l’un de ses gardes du corps -connu sous l’appellation de Bob- a reçu une balle de fusil dans la jambe. Le chairman du Sdf venait de regagner son domicile en provenance de l’hôpital Baptiste Mbingo où il était interné.

C’est la deuxième fois, en l’espace de deux mois, que John Fru Ndi est enlevé par des hommes armés. Se rendant le 27 avril 2019 dernier à Kumbo, à l’inhumation du député Joseph Banadzem Lukong, président du groupe parlementaire Sdf à l’Assemblée nationale, John Fru Ndi avait été kidnappé dans la localité de Sob par des hommes armés se réclamant de la république virtuelle d’Amazonie. Maintenu en captivité pendant des heures, il avait été libéré en soirée.

Les secessionnistes exigent la démission des élus du Sdf du parlement camerounais. Les cadres de son parti politique dénoncent l’absence d’une sécurité digne de ce nom autour du président du Sdf. Et en appellent aux autorités publiques pour que des mesures sécuritaires soient prises en faveur de John Fru Ndi.

 

Leçons des agressions de la Brigade Antisardinards en Suisse

À travers les actions agressives portées sur sa personne par la nébuleuse BAS, en Suisse et devant le monde entier, le président Paul Biya vit, de lui-même et de son vivant, l’imposture de son idéologie néocoloniale d’État unitaire avec ses paradigmes éculés de vivre-ensemble !

On lui a expliqué et réexpliqué que le Cameroun est un pays multinational, avec des communautés ayant des comportements différents impossibles à niveler, et que la meilleure gestion était un État fédéral. Il s’est arc-bouté à sa fumeuse «nation au-dessus des tribus !» Il vivra cette humiliation jusqu’à la lie !

Le Cameroun est un pays multinational, avec des communautés qui ont un comportement très différent. La perception que chaque communauté a vis-à-vis de l’État, vis-à-vis de son chef et vis-à-vis des institutions diffère profondément suivant qu’on est au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest. Telle tribu voit en Biya un envoyé de Dieu, alors que telle autre n’y voit qu’un démon !
Vous ne pouvez donc pas prétendre mettre un ensemble aussi hétéroclite et hétérogène dans un même moule institutionnel et les harmoniser par des décrets et des discours sur l’unité nationale!

Ce que l’on fait dans ce cas, et que Biya aurait dû faire depuis longtemps, c’est de donner un État régional à chacun de ces segments ethno régionaux, et de chapeauter le tout par un État fédéral.

Cela permet que les frustrations des Bamilekés, des Betis ou des Fulbés ne s’appliquent plus de manière directe sur le président fédéral, mais passent d’abord par la médiation d’un État régional qui les tamise et les amortit. De cette manière, le chef de l’État est protégé

Mais quand celui-ci se met en tête d’assumer, lui-même et de manière directe, ces milliards de réclamations venant du Cameroun tout entier, quand il prétend jouer à une divinité toute-puissante dispensant le bonheur au gré de ses humeurs, en confisquant toutes les ressources financières et humaines, il est naturel que chaque communauté s’adresse à lui de manière directe, avec ses pratiques et ses méthodes ! Il est normal que certains le divinisent, mais il est aussi normal que d’autres l’insultent !

Car, il faut le dire très clairement, la racaille qui se réclame de la BAS n’aurait jamais eu l’audace de s’adresser directement au Président si celui-ci avait eu, à temps, la lucidité de sous-traiter les problèmes des Bamilekés par un État qui leur est dédié !
C’est sa prétention mortelle à faire tout, à se mêler de tout, à fabriquer son «unité nationale» qui lui rejaillit de plein fouet sur le visage ! Et qui signale aussi la mort définitive de l’État unitaire !

Certains s‘arc-boutent sur ce système périmé, devenu dangereux pour la paix et la stabilité au Cameroun, mais il faut en sortir définitivement et immédiatement. Il faut aller à la fédération !

Et dans les négociations qui s’engagent avec la sécession, le président de la République, qui ne s’y oppose plus comme auparavant, du moins si on en croit les déclarations de son Premier ministre, doit cesser d’être un blocage à ces évolutions absolument indispensables pour le Cameroun.

Dieudonné ESSOMBA

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