AMBASSADESINTÉGRATION NATIONALE

Camerounais et Camerounaises, le chaos n’est pas contrôlable

Certains croient qu’en déstabilisant l’État, ils peuvent tirer leur épingle du jeu et s’emparer du pouvoir devenu pour eux une obsession. Que ce soit ceux qui le font ouvertement à travers une opposition insurrectionnelle, ou ceux qui le font sournoisement en espérant capturer secrètement le pouvoir autour de Biya, ils doivent comprendre une chose : le chaos n’est pas contrôlable.

Entre les plans qu’on fait dans sa tête et les événements tels qu’ils se déroulent, il y a souvent un abîme et les expectatives se résolvent souvent en cauchemar. S’il arrive quelquefois que des pyromanes réussissent leur projet, la règle générale est qu’ils y succombent. Ça peut être par la prison, la mort violente ou l’exil.

Certains, naïvement, espèrent qu’en déstabilisant l’État, ils vont créer un système qui va leur ménager les avantages qu’ils avaient avant, auxquels s’ajouteront les avantages qu’ils auront acquis. Or, la déstabilisation de l’État débouche toujours sur un nouvel équilibre qui remodèle le paysage institutionnel, avec de nouvelles règles. Ces dernières peuvent présenter un avantage par ici ou un inconvénient par là. Mais il n’est pas toujours possible d’anticiper sur ce qu’il va arriver, car cette relaxation du système vers un nouvel équilibre se réalise après d’interminables et sanglantes guerres civiles.

La situation peut se compliquer quand une nation est aussi hétérogène et clivée, comme l’est le Cameroun. Elle va prendre un caractère explosif lorsqu’un régime aura mis trop de temps, et aura accumulé trop rigidités structurelles.

De ce point de vue, le cas du Cameroun est très inquiétant. Le régime de Biya, qui relaie celui d’Ahidjo, a mis trop de temps et a accumulé trop de contraintes, pour n’avoir jamais su ou voulu s’ajuster avec le temps. Son modèle d’un Cameroun unitaire, où le gouvernement a décrété une unité nationale administrative qu’il a plaquée sur des populations, sans tenir compte des comportements réels, a débouché sur des tensions intercommunautaires qui prennent une tournure de plus en plus ouverte.
En réalité, c’est l’État lui-même qui, à travers ses emplois publics, ses positions de pouvoir, ses infrastructures et ses rentes, est devenu un lieu de compétition intercommunautaire violente et croissante qui, loin de favoriser l’unité nationale, exaspère plutôt les clivages et les haines.

Sur le plan économique, le système productif a été étouffé par une bureaucratie tentaculaire, incontrôlable et corrompue, qui parasite la nation et la ponctionne à mort. Nonobstant les programmes économiques, le système productif est totalement paralysé, écrasé par une bureaucratie soviétomorphe.

Pourtant, ce Biya reste le dernier pilier de ce système tiraillé par de puissantes forces centripètes que lui seul, en l’état actuel des choses, peut contrôler. S’il part brusquement sans avoir mis de l’ordre dans ce système que lui et son prédécesseur ont bâti pendant 60 ans, il sera très difficile de le maintenir dans un état de stabilité.

Il lui revient donc d’apporter les réformes requises pour réduire les graves tensions accumulées par le système, en entreprenant des réformes fondamentales, la plus importante étant la forme de l’État.

L’unité nationale, telle que lui et son mentor Ahidjo l’avaient envisagée, sous la forme d’une nation qui devait supplanter les communautés primaires, était clairement une erreur. On peut les comprendre, eu égard à l’enthousiasme des après-indépendances et ce désir d’empêcher les irrédentismes tribaux, mais il est clair que les lois de l’anthropologie condamnaient ce projet.

On le voit aujourd’hui, les communautés lèvent leur vilaine tête, pas pour rire, mais pour arracher leur autonomie, y compris par la force. Les Anglophones ont commencé et personne ne peut savoir de quoi demain sera fait.

À la vérité, personne ne veut plus de cette unité nationale qui s’incarne désormais en une élite ratatinée au sommet de l’État, une élite parasitaire et impotente qui prétend développer le Cameroun à la place des Camerounais.

Ce qu’il faut maintenant, ce n’est pas de demander à Biya de quitter le pouvoir, mais c’est de le pousser, par la prière, le raisonnement, la pression, à fédéraliser le pays.

Car ceux qui pensent qu’à son départ, ils iront entrer au Palais d’Etoudi, en récupérant comme par magie son autorité et son empreinte, n’ont pas conscience de leur folie ! C’est une pure diversion dont la seule conséquence sera la déstabilisation de l’État.

Un État déstabilisé signifie tout simplement la fin de la logique unitaire, et son principe du «Camerounais chez lui partout sur le territoire» se terminera brutalement. Car précisément, cette logique ne survit que parce que l’État est là, fort et debout.
Ce ne sont pas nécessairement ceux qui soutiennent Biya aujourd’hui qui vont le regretter. Bien au contraire, tout indique que ce sont ceux qui le contestent violemment aujourd’hui qui le pleureront de toutes leurs larmes !
Que tout le monde se méfie de l’avenir ! Il n’est pas prudent de prendre des hypothèques sur l’avenir !

 

Dieudonné Essomba

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *