Cameroun-Guinée Équatoriale : Le mur de la honte !

Malabo pilote des travaux de construction d’une version tropicalisée du Mur de Berlin pour mieux se protéger de son voisin. Yaoundé s’en inquiète.

Audience au palais de l’Unité. Paul Biya reçoit Baltasar Engonga Edjo’o le 10 juin 2019

Depuis quelque temps, Malabo a engagé un vaste chantier à sa frontière terrestre avec le Cameroun. Pour l’instant, l’ouvrage se décline en des fouilles près de la rocade frontalière, à un jet de pierres de la localité de Kyé Ossi (Vallé du Ntem), affirment des sources concordantes. Blaise Enama Assoumou, premier adjoint au maire de Kyé Ossi, évoque l’hypothèse d’une route en construction. Toujours est-il que, comme un immense serpent, un tracé s’étire dans la forêt équato-guinéenne.

Si les prophètes de l’intégration sous-régionale ne se hasardent pas encore à des pronostics sombres quant au dessein du chantier, la chronique se nourrit déjà de quelques indicateurs pertinents. Nos sources révèlent qu’il y a environ trois semaines, Félix Nguele Nguele a visité le chantier. «Sur invitation officieuse de Malabo», précisent nos informateurs. Sur fond de soupçons adossés sur l’ampleur des travaux, le gouverneur de la région du Sud a alerté Paul Biya. D’où l’arrivée, le 10 juin 2019 à Yaoundé, d’un émissaire du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Sur la foi du récit du quotidien Cameroon Tribune (édition du lendemain), les entretiens entre le chef de l’Etat camerounais et Baltasar Engonga Edjo’o ont duré près d’une heure.

Langue de bois
D’abord rétif à répondre à la presse au sortir de l’audience au palais de l’Unité, le ministre d’État équato-guinéen chargé de l’Intégration régionale a dû réviser sa posture quelques instants après. Le site internet de CRTV, la radiotélévision d’Etat, rapporte que le «représentant personnel du chef de l’État de Guinée Équatoriale a confié à la presse, qu’il a transmis au Président Paul Biya, les condoléances du chef de l’État équato-guinéen suite au décès de l’ancien directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou». Le même support ajoute : «il a aussi relevé qu’ils échangé avec le chef de l’État Paul Biya sur des sujets d’intérêt commun. Notamment le renforcement de l’intégration au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) dont le président de la République Paul Biya assure la présidence».

Sur ce dernier point, Baltasar Engonga Edjo’o s’est lancé dans une présentation ambiguë des politiques mises en place par son pays en matière de libre circulation des biens et des personnes. Comme obstiné à polariser sa déclaration sur l’esthétique (réjouissante) des relations entre la Guinée Equatoriale et ses voisins, l’hôte de Paul Biya est resté aphone tant sur le chantier évoqué supra que sur la réouverture de la frontière, fermée depuis plusieurs mois.

« Spectres »
L’on se souvient que début 2018, sous le compas de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Malabo dessine son schéma de sécurité avec le Cameroun. Mues par l’ambition de stopper les «hordes d’envahisseurs Camerounais», les autorités ont depuis entrepris de cadenasser l’entrée en Guinée Equatoriale via Kyé Ossi. De manière unilatérale et asymétrique, elles ont fortement militarisé le Nord-est de la partie continentale de leur pays. Se servant de systèmes sophistiqués, plus élaborés et plus complexes, elles ont institué l’«Operacion Seguiridad».

Brandissant tous les spectres, le voisin du Cameroun disait alors répondre à un éventail d’objectifs : sécuriser et surtout bien contrôler la frontière. A cette époque-là, on parlait déjà d’une réflexion très avancée sur le «nouveau plan de libre circulation» (Voir Intégration N° 311 du 19 février 2018, page 8). Fort probable qu’aujourd’hui ce plan est à sa phase de concrétisation. En attendant que le nouveau scénario esquissé ne s’affermisse et gagne en plausibilité, d’aucuns voient en ce «mur», l’allégorie de l’incapacité de l’Afrique centrale à se mettre d’accord sur l’idéal communautaire.

Jean-René Meva’a Amougou

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