Activisme : Le SNJC criant de vérités et de courage à Yaoundé

Selon la corporation des journalistes camerounais, les instruments de contrôle continuent de barricader l’action de la presse nationale .

Denis Nkwebo, président du SNJC

«Liberté syndicale, protection, sécurité des journalistes et démocratie». En retenant le thème pour la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse, le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) entend décliner tout un programme, ce 3 mai 2019 à Yaoundé. «Nous venons parler à nous-mêmes et aux politiques», situe d’emblée Thierry Eba, le président du SNJC pour la région du Centre. Pour tout comprendre, ce jour, la question de la relation entre les médias et le pouvoir au Cameroun est de nouveau mise sur la table. Ce qui ressort de la litanie est poignant. «La liberté d’expression se noie dans un océan de persécutions, faites de chasse aux sorcières anonymes.

La censure vient de cette meute de trolls enragés du Conseil national de la communication», constate Hilaire Hamekoue. Le vice-président du bureau national du SNJC estime qu’ à travers le CNC, le politique applique la censure, de manière manifeste ou latente, prévisible ou imprévue. «Comme par le passé, assume Denis Kwebo, président national du SNJC, le CNC, organe de censure et de répression au service du pouvoir en place, a continué d’intimider les journalistes et les organes de presse à travers des sanctions fantaisistes et complaisantes. Dans les faits, le CNC est devenu une salle de rédaction où le gouvernement cherche à imposer sa volonté à toute la presse».

Clou
«Une fois encore, le SNJC affirme qu’il ne reconnait aucune autorité et aucune légitimité au CNC. Idem pour la Commission nationale de délivrance de la carte de presse. Cette commission est morte de sa propre mort et le SNJC s’en réjouit», dixit Denis Kwebo. Pour le journaliste du quotidien Le Jour, l’heure n’est plus au bilan. Seule une action syndicale forte, doublée d’une pratique claire du métier peut se révéler un puissant outil contre la censure et l’obscurantisme, malgré la surveillance étroite du régime.

C’est cette position que défend Jean Baptiste Sipa, le coordonnateur de Article 55. Selon le chroniqueur émérite, le meilleur moyen pour les journalistes d’affronter les pressions quotidiennes est de se souder les coudes. Pour y parvenir, il invite les acteurs de la presse camerounaise à parler plus vrai, à rester plus près de la réalité, à favoriser l’esprit critique et à gagner en indépendance à l’égard du pouvoir. Dans son exposé, il dénonce des «connivences» entre le personnel journalistique et le personnel politique. «Le journaliste ne saurait être avec le pouvoir sans se nier!», martèle l’ancien du Messager.

Pour rester sur la thématique centrale du jour, Denis Kwebo s’interroge: «À quoi servent les journalistes dans une démocratie?» La réponse qu’il élabore en dit long sur la posture du SNJC sur le traitement des actualités nationales. De l’avis du syndicaliste, «ils servent à nourrir la pluralité des regards sur la réalité, et donc à aller voir aussi là où les pouvoirs, quels qu’ils soient (exécutif, législatif, judiciaire, économique, intellectuel), craignent de jeter la lumière ; face aux points de vue du pouvoir, il faut en élaborer d’autres –au sens d’abord concret, physique de points d’observation– et par là à créer aussi de la visibilité sur le pouvoir lui-même».

 

Joseph Julien Ondoua Owona (Stg)

Bamenda

Une journée pour lessiver l’image de la presse

Associations et syndicats de journalistes du Nord-Ouest ont saisi le prétexte de la célébration pour décliner clairement leur position par rapport à la crise sociopolitique dans la partie anglophone du Cameroun.

 

En joignant leurs voix à celles de la communauté médiatique internationale le 3 mai dernier, les journalistes du Nord-ouest ont glissé un appel au calme dans la partie anglophone du Cameroun. Le temps d’une journée consacré à la liberté de la presse, associations et syndicats de journalistes de la région ont tenu un discours dont le but était de clarifier leur position par rapport à la crise sociopolitique au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. «Stoppez de nous étiqueter de journalistes des Ambas ou du gouvernement.

Nous sommes des reporters et non des supporters… Au moment où nous célébrons notre journée, n’oublions pas de continuer à mettre sous pression le gouvernement et les forces séparatistes de déposer les armes et de se mettre autour de la table du dialogue. Par conséquent, on ne peut aller à la table du dialogue avec une seule option. Nous sommes fatigués d’écrire sur vos atrocités. Le bon journalisme ne peut être pratiqué dans une atmosphère de conflit. Cessez-le-feu. Nous avons aussi besoin de la paix», a laissé entendre Ambe Macmillian Awa.

Dans son exposé, le président de l’antenne Nord-Ouest de Camasej a décliné le rôle des journalistes anglophones dans la situation actuelle : «rassembler les citoyens des deux rives pour un retour à la paix ». «Tous nous vivons aujourd’hui une vie empruntée. Le nombre d’enfants là dehors qui veulent être journalistes mais qui malheureusement ne peuvent réaliser leur rêve parce qu’on leur a refusé le droit à l’éducation est déchirant», pose Bakah Derick du Snjc en guise de diagnostic. Vu sous ce prisme a-t-il précisé, le Cameroun mérite une presse libre.

A sa suite, Rose Obah Akah de Ccmn a présenté le message du directeur de l’UNESCO et Bakah Derick s’est penché sur le discours du SG de nations unies et partant le message du président national du Snjc. Victoiry Bassang, représente du délégué régional de la communication pour le Nord-ouest a reconnu la pertinence de la levée de boucliers en ce jour de la liberté de la presse. Pour elle, les journalistes du Nord-ouest traversent des moments difficiles depuis 2016. Elle se réjouit qu’ils aient maintenu le cap du traitement impartial de la crise dans leurs différentes rédactions.

 

Zéphirin Fotso Kamga

Denis Kwebo, président du SNJC

« Nous, journalistes, travaillons pour vivre et non pour mourir »

 

La meilleure protection d’un journaliste, en tout état de cause, c’est de faire correctement son métier. Il doit associer à la prestance professionnelle des éléments de prise de responsabilité sociale en temps de crise, en temps de paix. Il est question de faire le rapport entre la vérité et le niveau de risques. Il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire, surtout si elles sont de nature à mettre en péril la cohésion sociale. Le journaliste devrait s’abstenir de le faire. De même, si une vérité peut le mettre en position de belligérance, qu’il s’abstienne de le faire. En effet, conformément aux directives du Comité de la protection des journalistes, nous journalistes, travaillons pour vivre et non pour mourir. Il est possible de faire son travail en temps de conflits et en tout professionnalisme.

Le SNJC fait un travail énorme, notamment dans la formation de ses membres. Concernant l’annonce sur la possibilité de doter les membres du syndicat de gilets de reportage (dans le but d’établir une distinction claire entre eux et ceux qui seraient en situation de belligérance), nous pensons qu’il est bon de pouvoir identifier physiquement un journaliste dans le cadre l’exercice de ses fonctions. À ce moment-là, s’ils sont touchés, nous serons en mesure de dire qu’ils ont été touchés parce qu’ils étaient des journalistes. Il nous a souvent été opposé le fait que, lors des manifestations, il est pratiquement impossible de distinguer le journaliste de celui qui ne l’est pas.

Nous avons plusieurs catégories de journalistes incarcérés au Cameroun (environ 6 ou 7 journalistes) : des journalistes exilés à l’intérieur du pays. Je veux parler des confrères du Nord-ouest et du Sud-ouest qui ne sont plus en mesure de vivre sur les territoires de ces régions-là ; des journalistes ayant quitté le Cameroun parce qu’ils avaient peur pour leurs vies ; des journalistes vivant en situation d’esclavage depuis 30 à 40 mois. Ils n’ont pas reçu de salaire. C’est la liberté de la presse qui en prend un coup. C’est le droit du public à la bonne information qui est menacé. Lorsque les journalistes ne sont pas bien payés, il y a des raisons d’émettre des doutes sur la qualité de leur production médiatique. Donc, nous n’avons pas la garantie que ces collègues qui travaillent sans salaire peuvent aujourd’hui avoir toute l’indépendance nécessaire pour produire des articles de qualités.

Le Cameroun a reculé de deux rangs dans le classement de Reporters sans frontières, parce que des journalistes ont été interpellés dans le cadre des manifestions publiques. Ils ont vu leur matériel arraché confisqué. Des journalistes ont été incarcérés. Il y a en ce moment des journalistes en détention. Tout cela ne concourt pas à faire du Cameroun un pays de liberté de la presse.

 

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